Le premier de l'an 1861
I
Écoutons... Minuit sonne, et la cloche sonore
Semble jeter au vent le glas des trépassés...
Écoutons ce que dit l'airain qui vibre encore:
Emporté par le temps dont le souffle dévore,
Un an vient de s'enfuir dans les siècles passés!
Un an vient de sombrer sur l'océan des âges,
Et la main du présent lui jette un linceul noir.
À son premier matin l'air était sans orages,
Le ciel pur et serein, l'horizon sans nuages,
Et son premier soleil fut un rayon d'espoir.
Mais à peine avait-il, sur la mer onduleuse,
Laissé flotter sa voile au souffle du Midi,
Que la foudre sortant d'une nue orageuse,
Vint fracasser le mât de la nef voyageuse,
Et la vague écuma sur son flanc arrondi.
La nuit couvrit le ciel et s'étendit sur l'onde;
L'Autan fit retentir son râle de géant;
Et l'esquif emporté par la vague profonde,
Sans voile erra longtemps sur l'abîme qui gronde
Et sombra tout à coup dans le gouffre béant.