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 Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada.

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MessageSujet: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada.   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) La Noël Au Canada. Icon_minitimeMer 12 Juin - 9:23

Avant-propos Reste-t-il encore quelque chose à dire ou à écrire sur la fête de Noël, sur
cette fête des petits enfants, sur cette fête de famille par excellence, la
plus sainte et la plus touchante des fêtes chrétiennes? Non, peut-être.
Les poètes l’ont chantée.

Les historiens ont raconté son passage à travers les siècles.
Le peuple en a consacré les traditions dans ses contes et légendes.
La grande voix des orateurs sacrés en a exalté les mystères et publié les
gloires.

N’importe! De même que ces chants à la fois simples et solennels, attendrissants et
grandioses, dont la mélodie ne lasse jamais l’oreille, Noël est un de ces
sujets inépuisables qu’on peut ressasser à l’infini sans fatiguer jamais.
Quand il s’agit de Noël, les redites même ont pour le lecteur le charme d’un
refrain tout plein de réminiscences intimes qui vous rappellent tout à coup
comme un long chapelet de petits bonheurs oubliés.

La Noël!

Ne vous semble-t-il pas découvrir toute une série de petits poèmes gais,
gracieux et touchants dans ces deux mots?

Ne sentez-vous pas, en les entendant prononcer, comme un essaim de joyeux
et tendres souvenirs s’éveiller et battre de l’aile au fond de votre coeur?
Ne vous figurez-vous pas qu’ils vous soufflent au front comme une fraîche
bouffée d’air pur chargée de tous les virginals parfums de votre innocence
passée?

Ne vous semble-t-il pas y retrouver comme un écho lointain et affaibli des
mille et une voix sacrées qui bercent les premières années de la vie, et qui
les font si suaves dans leur inoubliable sérénité?

Noël nous sera toujours cher, car il nous tient par les sentiments et les
croyances; Par les tendresses et les enthousiasmes;
Par le coeur et l’esprit. C’est pour nous la prière et la poésie
enveloppées toutes deux dans une même auréole radieuse et caressante.

L’institution de cette fête antique, toujours nouvelle et toujours jeune,
remonte au berceau de l’Église d’Occident.

Elle fut célébrée pour la première fois, suivant certains auteurs, par saint
Télesphore, en l’an 138.

Ce fut le pape Jules 1er, dont le règne dura de 337 à 352, qui, après avoir
consulté les docteurs de l’Orient et de l’Occident sur le véritable jour de la
nativité du Sauveur, en fixa définitivement la célébration au 25 décembre, bien qu’il
n’y ait rien dans les Évangiles qui indique positivement ce jour-là comme celui du
grand événement.

De fête purement religieuse, Noël devint, dans le moyen âge, une fête toute
populaire.

C’était le signal des réjouissances, des assemblées joyeuses, des fiançailles.
La crèche de l’Enfant-Jésus devenait chaque année le théâtre de ces jeux
scéniques appelés mystères, et que les troubadours et les trouvères
organisaient en l’honneur de la sainte Famille.

Plus tard, malheureusement, ces fêtes dégénérèrent en bouffonneries
grotesques peu en harmonie avec la solennité des lieux et de la circonstance.
C’est en Espagne que ces coutumes profanes persistèrent le plus longtemps.
Chez nos pères de Bretagne et de Normandie, la nuit de Noël était l’occasion
de longues veillées, surtout au château, où se réunissaient les villageois pour
attendre l’heure de la messe de Minuit.

On jetait alors de véritables troncs d’arbres dans les immenses cheminées de
l’époque, et l’on se rangeait en cercle autour de l’âtre.
De là ce qui s’appela plus tard la bûche de Noël.

On versait un verre de vin sur cette bûche en disant : Au nom du Père; et l’on
se distribuait une sorte de gâteaux que l’on appelait nieulles -probablement
l’origine de nos croquignoles.

Notons que les croquignoles sont, dans nos campagnes, le mets de Noël par
excellence.

Les bonnes ménagères croiraient manquer à toutes les traditions, si, au retour
de la messe de Minuit, la famille -et même les voisins -ne pouvaient s’asseoir
autour d’un appétissant monceau de croquignoles dorées et toutes croustillantes
dans leur toilette de poudre blanche sucrée.

Dans certaines parties de la France -notamment en Alsace -mais surtout en
Allemagne et en Angleterre, la bûche de Noël s’est transformée en « arbre de
Noël ».

Cet arbre est encore de mode et consiste en une belle tête de sapin, bien
régulière et bien verte, aux rameaux de laquelle on suspend, entremêlés de
petites bougies multicolores, les jouets d’enfants et les autres cadeaux de famille
qu’on échange ce jour-là.

Pour les Anglais, Noël est un jour unique. C’est le jour familial entre tous,
le jour des banquets, des réunions mondaines, de l’hospitalité traditionnelle.
L’énumération des quartiers de viande et des pièces de gibier qui se
consomment dans la ville de Londres à chaque Christmas fatiguerait, comme dit
Louis Blanc, le patient génie d’Homère.

Une légende affirme que, la nuit de Noël, les bêtes acquièrent soudain le don
de la parole.

Si la chose est vraie -en Angleterre surtout -cette immense hécatombe de
leurs semblables ne doit pas fournir à celles qui restent un sujet de
conversation bien réjouissant.

Chez nous, où malheureusement les anciennes traditions tendent à s’effacer,
on s’en tient à la messe de Minuit.

La messe de Minuit, touchante solennité que, durant de longues semaines
d’attente, les petits enfants entrevoient dans leurs rêves comme une ouverture
de paradis.

Mystérieuse cérémonie dont les vieillards même ne peuvent voir le retour
annuel, sans entendre chanter au fond de leur coeur la gamme toujours vibrante
des joies naïves et des douces émotions de l’enfance.
Qui de nous, entrant dans une de nos églises, pendant la nuit de Noël, peut,
sans qu’une larme lui monte du coeur aux paupières, entendre flotter sous les
voûtes sonores, avec la puissante rumeur des orgues, ces chants si beaux de
simplicité et de grâce naïve, que nous ont transmis ces génies inconnus à qui
l’art chrétien doit tant de chefs-d’oeuvre :
Adeste fideles! cette invocation si large de rythme en même temps que si
gracieuse de forme.

Nouvelle agréable! cette mélodie pleine d’entrain si bien dans la note
primesautière et joviale de nos pères.

Dans cette étable! ce cantique dont la majesté nous courbe le front malgré
nous devant le grand mystère.

Les anges dans nos campagnes! cet hosanna triomphal si vibrant de confiance,
d’allégresse et d’amour.

Et enfin, le premier de tous, le plus pénétrant et le plus populaire de nos
noëls : Ça, bergers, assemblons-nous!

Hélas! elles sont bien loin les heures où j’écoutais tout ému ces vieux
cantiques.

La jeunesse s’est enfuie avec elles, pour faire place aux préoccupations de
l’âge mur.

Les fêtes de Noël, si lentes à poindre pour les petites têtes blondes qui les
attendent avec tant d’impatience, arrivent vite et se succèdent bien rapidement
pour les fronts que la soixantaine dénude ou argente.
Eh bien, malgré tout, à chaque hiver qui me vieillit, quand revient ce jour
béni entre tous les jours, cette nuit sainte entre toutes les nuits, un
recueillement involontaire s’empare de moi.

Et quand, du haut de leurs cages aériennes, les cloches sonnent dans l’ombre
l’anniversaire de l’événement auguste, je crois voir l’ange de mes jeunes
années qui me pousse du coude, me fait signe du doigt, et m’invite à le suivre auprès
de l’humble berceau où sommeille le Dieu des petits enfants.
Cher ange des douces joies et des innocentes gaietés, qui nous reconnait
toujours malgré les rides de nos tempes et la lourdeur de nos pas!
Chastes lueurs du passé, nimbes de nos premiers matins, dont le divin reflet
nous suit jusqu’au tombeau!

Je vous retrouve dans le coeur de mes enfants, et c’est pour eux, pour qu’ils
conservent plus pieusement votre souvenir, que j’ai consacré quelques heures de
loisir à écrire ces Contes et Récits de Noël, qui leur sont dédiés.
L. F.

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