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| Théophile Gautier. (1811-1872) L’Ame De La Maison. V | |
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| Sujet: Théophile Gautier. (1811-1872) L’Ame De La Maison. V Sam 27 Juil - 23:18 | |
| V Le grillon ne chantait que rarement, et nous n’entendions plus rien à son chant ; nous en vînmes à croire que nous étions le jouet d’une illusion. Cependant, un soir, nous nous retrouvâmes seuls dans la cuisine, assis tous deux sur la même chaise, comme au jour où il nous avait parlé. Le feu flambait à peine. Le grillon éleva la voix, et nous pûmes parfaitement comprendre ce qu’il disait : il se plaignait du froid. Pendant qu’il chantait, le feu s’était éteint presque tout à fait. |
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| Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) L’Ame De La Maison. V Sam 27 Juil - 23:18 | |
| Maria, touchée de la plainte du grillon, s’agenouilla, et se mit à souffler avec sa bouche ; le soufflet était accroché à un clou, hors de notre portée. C’était un plaisir de la voir, les joues gonflées, illuminées des reflets de la flamme ; tout le reste du corps était plongé dans l’ombre : elle ressemblait à ces têtes de chérubin, cravatées d’une paire d’ailes, que l’on voit dans les tableaux d’église, dansant en rond autour des gloires mystiques de la Vierge et des saints. Au bout de quelques minutes, moyennant une poignée de branches sèches que j’y jetai, l’âtre se trouva vivement éclairé, et nous pûmes voir, sur le bord de son trou, notre ami le grillon tendant ses pattes de devant au feu, comme deux petites mains, et ayant l’air de prendre un singulier plaisir à se chauffer ; ses yeux, gros comme une tête d’épingle, rayonnaient de satisfaction ; il chantait avec une vivacité surprenante, et sur un air très gai, des paroles sans suite que je n entendais pas bien, et que je n’ai pas retenues. Quelques mois se passèrent, pas plus de nouvelles de mon oncle que s’il était mort !
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| Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) L’Ame De La Maison. V Sam 27 Juil - 23:18 | |
| Un soir, Pragmater, ne sachant à quoi tuer le temps, monta dans la bibliothèque pour prendre un livre ; quand il ouvrit la porte, un violent courant d’air éteignit sa chandelle ; mais, comme il faisait clair de lune, et qu’il connaissait les êtres de la maison, il ne jugea pas à propos de redescendre chercher de la lumière. Il alla du côté où il savait qu’était placée la bibliothèque. La porte se ferma violemment, comme si quelqu’un l’eût poussée. Un rayon de lune, plus vif et plus chatoyant, traversa les vitres jaunes de la fenêtre. À sa grande stupéfaction, Pragmater vit descendre sur ce filet de lumière, comme un acrobate sur une corde tendue, un fantôme d’une espèce singulière : c’était le fantôme de mon oncle, c’est-à-dire le fantôme de ses habits ; car lui-même était absent : son habit tombait à longs plis, et, au bout des manches vides, une paire de gants moulait ses mains ; une perruque tenait la place de sa tête, et à l’endroit des yeux scintillait, comme des vers phosphoriques, une énorme paire de besicles. |
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| Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) L’Ame De La Maison. V Sam 27 Juil - 23:18 | |
| Cet étrange personnage entra droit dans la chambre, et se dirigea droit à la bibliothèque ; on eût dit que les semelles de ses souliers étaient doublées de velours, car il glissait sur les dalles sans que le moindre craquement, le son le plus fugitif pût faire croire qu’il les eût effleurées.
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| Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) L’Ame De La Maison. V Sam 27 Juil - 23:19 | |
| Après avoir touché et déplacé quelques volumes, il enleva de sa planche le Saint Augustin (Elzévir) et le porta sur la table ; puis il s’assit dans le grand fauteuil à ramages, éleva un de ses gants à la hauteur où son menton aurait dû être, ouvrit le livre à un passage marqué par un signet de faveur bleue, comme quelqu’un que l’on aurait interrompu, et se prit à lire en tournant les feuillets avec vivacité. |
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| Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) L’Ame De La Maison. V Sam 27 Juil - 23:19 | |
| La lune se cacha ; Pragmater crut qu’il ne pourrait point continuer. Mais les verres de ses lunettes, semblables aux yeux des chats et des hiboux, étaient lumineux par eux-mêmes, et reluisaient dans l’ombre comme des escarboucles. Il en partait des lueurs jaunes qui éclairaient les pages du livre, aussi bien qu’une bougie l’eût pu faire. L’activité qu’il mettait à sa lecture était telle, qu’il tira de sa poche un mouchoir blanc, qu’il passa à plusieurs reprises sur la place vide qui représentait son front, comme s’il eût sué à grosses gouttes.... L’horloge sonna successivement, avec sa voix fêlée, dix heures, onze heures, minuit.... Au dernier coup de minuit, le fantôme se leva, remit le précieux bouquin à sa place. |
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| Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) L’Ame De La Maison. V Sam 27 Juil - 23:19 | |
| Le ciel était gris, les nues, échevelées, couraient rapidement de l’est à l’ouest ; la lune remontra sa face blanche par une déchirure ; un rayon parti de ses yeux bleus plongea dans la chambre. Le mystérieux lecteur monta dessus en s’appuyant sur sa canne, et sortit de la même manière qu’il était entré. |
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| Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) L’Ame De La Maison. V Sam 27 Juil - 23:19 | |
| Abasourdi de tant de prodiges, mourant de peur, claquant des dents, ses genoux cagneux se heurtant en rendant un son sec comme une crécelle, le digne maître d’école ne put se tenir plus longtemps sur ses pieds : un frisson de fièvre le prit aux cheveux, et il tomba tout de son long à la renverse. Berthe, ayant entendu la chute, accourut tout effrayée ; elle le trouva gisant sur le carreau, sans connaissance, sa main étreignant la chandelle éteinte.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Théophile Gautier. (1811-1872) L’Ame De La Maison. V Sam 27 Juil - 23:19 | |
| Pragmater, malgré ses idées voltairiennes, eut beaucoup de peine à s’expliquer la vision étrange qu’il venait d’avoir ; sa physionomie en était toute troublée. Cependant le doute ne lui était pas permis, il était lui- même son propre garant, il n’y avait pas de supercherie possible ; aussi tomba-t-il dans une profonde rêverie et restait-il des heures entières sur sa chaise, dans l’attitude d’un homme singulièrement perplexe. Vainement Tom, le brave matou, venait-il frotter sa moustache contre sa main pendante, et Berthe lui demandait-elle, du ton le plus engageant : -Pragmater, croyez-vous que la vendange sera bonne ? |
| | | | Théophile Gautier. (1811-1872) L’Ame De La Maison. V | |
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