Éloge de la lune (extrait)[modifier]
« Ô le second honneur des célestes chandelles,
Assuré calendrier des fastes éternelles,
Princesse de la mer, flambeau guide-passant,
Conduit-somme, aime-paix, que dirais-je, ô croissant,
De ton front inconstant, qui fait que je balance
Tantôt ça tantôt là d’une vaine inconstance,
Si par l’oeil toutefois l’humain entendement
De corps tant éloigné peut faire jugement,
J’estime que ton corps est rond comme une bale,
Dont la superficie en tous lieux presque égale
Comme un miroir poli, or dessus or dessous,
Rejette la clarté du soleil, ton époux.
Car comme la grandeur du mari rend illustre
La femme de bas lieu, tout de même le lustre
Du chaleureux Titan éclaircit de ses rais
Ton front, qui de soi-même est sombrement épais.
Or cela ne se fait toujours de même sorte,
Ains d’autant que ton char plus vitement t’emporte
Que celui du soleil, diversement tu luis
Selon que plus ou moins ses approches tu fuis.
C’est pourquoi chaque mois, quand une noce heureuse
Rallume dans vos corps une ardeur amoureuse,
Et que, pour t’embrasser, des étoiles le roi
Plein d’un bouillant désir, raye à plomb dessus toi,
Ton demi rond, qui voit des mortels la demeure,
Suivant son naturel, du tout sombre demeure. »
(Guillaume du Bartas, La Première Sepmaine ou Création du monde) (1578)