ELOGE DE LA RICHESSE
La richesse, que des frondeurs
Dédaignent, et pour cause,
Quand elle vient sans les grandeurs,
Est bonne à quelque chose.
Loin de les rendre à ton Crésus,
Va boire avec ses cent écus,
Savetier, mon compère.
Pour moi, qu'il m'arrive un trésor;
Que dans mes mains pleuve de l'or,
De l'or,
De l'or,
Et j'en fais mon affaire!
Je souris à la pauvreté,
Et j'ignore l'envie:
Pourquoi perdrai-je ma gaîté
Dans une douce vie?
Maison, jardin, livres, tableaux,
Large voiture et bons chevaux,
Pourraient-ils me déplaire?
Quand mes voeux prendraient plus d'essor,
Que dans mes mains pleuve de l'or,
De l'or,
De l'or,
Et j'en fais mon affaire!
Bonjour, Mondor, riche voisin.
Ta maîtresse est jolie;
Son oeil est noir, son esprit fin,
Et sa taille accomplie.
J'atteste sa fidélité;
Mais que peut contre sa fierté
L'amour d'un pauvre hère?
Pour te l'enlever, cher Mondor,
Que dans mes mains pleuve de l'or,
De l'or,
De l'or,
Et j'en fais mon affaire!
Le vin s'aigrit dans mon gosier
Chez un traiteur maussade;
Mais à sa table un financier
Me verse-t-il rasade;
Combien, dis-je, ces bons vins blancs?
On me répond: douze cents francs.
Par ma foi, ce n'est guère.
En Champagne on en trouve encor:
Que dans mes mains pleuve de l'or,
De l'or,
De l'or,
Et j'en fais mon affaire!
À partager dès aujourd'hui,
Amis, je vous invite.
Nous saurions tous, en cas d'ennui,
Me ruiner bien vite.
Manger rentes et capitaux,
Équipages, terres, châteaux,
Serait gai, je l'espère.
Ah! Pour voir la fin d'un trésor,
Que dans mes mains pleuve de l'or,
De l'or,
De l'or,
Et j'en fais mon affaire!