LA NATURE
Combien la nature est féconde
En plaisirs ainsi qu'en douleurs!
De noirs fléaux couvrent le monde
De débris, de sang et de pleurs.
Mais à ses pieds la beauté nous attire;
Mais des raisins le nectar est foulé.
Coulez, bons vins; femmes, daignez sourire;
Et l'univers est consolé.
Chaque pays eut son déluge;
Hélas! Peut-être jour et nuit
Une arche est encor le refuge
De mortels que l'onde poursuit.
Sitôt qu'Iris brille sur leur navire,
Et que vers eux la colombe a volé,
Coulez, bons vins; femmes, daignez sourire;
Quel autre champ de funérailles!
L'Etna s'agite, et, furieux,
Semble, du fond de ses entrailles,
Vomir l'enfer contre les cieux.
Mais pour renaître enfin sa rage expire:
Il se rasseoit sur le monde ébranlé.
Coulez, bons vins; femmes, daignez sourire;
Dieu! Que de souffrances nouvelles!
L'affreux vautour de l'Orient,
La peste a déployé ses ailes
Sur l'homme qui tombe en fuyant.
Le ciel s'apaise, et la pitié respire,
On tend la main au malade exilé.
Coulez, bons vins; femmes, daignez sourire;
Mars enfin comble nos misères:
Des rois nous payons les défis.
Humide encor du sang des pères,
La terre boit le sang des fils.
Mais l'homme aussi se lasse de détruire,
Et la nature à son coeur a parlé.
Coulez, bons vins; femmes, daignez sourire;
Ah! Loin d'accuser la nature,
Du printemps chantons le retour;
Des roses de sa chevelure
Parfumons la joie et l'amour.
Malgré l'horreur que l'esclavage inspire
Sur les débris d'un empire écroulé,
Coulez, bons vins; femmes, daignez sourire;