V LA TRICOLORE
Voilà le drapeau tricolore,
Glorieux enfans de Paris!
Vos bras l’ont reconquis encore,
Nous le saluons de nos cris;
L’Europe tremble quand il brille
Sur le front de nos jeunes rangs,
C’est la Méduse des tyrans,
C’est le drapeau de la Bastille:
Plane sur nos soldats, astre de liberté,
Honneur au grand Paris qui t’a ressuscité!
De nos gloires long-temps flétries
Déchirons le hideux tableau;
La France a pris aux Tuileries
Sa revanche de Waterloo;
Légions de la vieille armée,
Saluez le noble étendard;
Il est jeune encor, mais plus tard
Il se ternira de fumée:
Plane sur nos soldats, astre de liberté,
Honneur au grand Paris qui t’a ressuscité!
Ton triomphe, nouvelle Sparte,
Sur ton sol restera gravé;
Chaque lettre de notre Charte
Est écrite sur un pavé:
Si, troublant cette grande fête,
L’Europe nous jetait un roi,
Avec les tables de la loi
Que le peuple écrase sa tête.
Plane sur nos soldats, astre de liberté,
Honneur au grand Paris qui t’a ressuscité!
De notre gloire vieil emblème,
Sur la colonne il s’est placé,
Et des Bourbons le drapeau blême
Comme un spectre s’est effacé.
Les héros ciselés d’Arcole,
La Garde gravée au burin,
Suivent la spirale d’airain
Pour le revoir sur la coupole.
Plane sur nos soldats, astre de liberté,
Honneur au grand Paris qui t’a ressuscité!
Il part de la place Vendôme
De ce vol qui glaçait les rois;
Sur chaque tour, sur chaque dôme,
Ses larges plis cachent la croix.
Déployons dans Pair notre histoire
Aux yeux de nos frères lointains;
Ils liront leurs nouveaux destins
Sur ce télégraphe de gloire.
Plane sur nos soldats, astre de liberté,
Honneur au grand Paris qui t’a ressuscité!
Que notre flotte ramenée,
Noyant le signe des trois fleurs,
Sur la mer Méditerranée
Se pavoise des trois couleurs;
Que les peuples semés sur l’onde,
Nos frères de tous les climats,
En les saluant sur nos mâts,
Chantent la liberté du monde.
Plane sur nos soldats, astre de liberté,
Honneur au grand Paris qui t’a ressuscité!
Ce drapeau brille à la fenêtre
Du Prince qui veut nous unir;
Dans ce palais qui la vit naître
La tempête vient de finir.
Sous lui, sous sa féconde race,
Vivons sans ployer les genoux;
Soyons fiers d’avoir parmi nous
Un Roi que Lafayette embrasse.
Plane sur nos soldats, astre de liberté,
Honneur au grand Paris qui t’a ressuscité!
FIN.