Dieu n'a-t-il plus de flamme à ses lèvres profondes?
N'en fait-il plus jaillir des tourbillons de mondes?
Parlez, Nord et Midi!
N'emplit-il plus de lui sa création sainte?
Et ne souffle-t-il plus que d'une bouche éteinte
Sur l'être refroidi?
Quand les comètes vont et viennent, formidables,
Apportant la lueur des gouffres insondables,
A nos fronts soucieux,
Brûlant, volant, peut-être âmes, peut-être mondes,
Savons-nous ce que font toutes ces vagabondes
Qui courent dans nos cieux?
Qui donc a vu la source et connaît l'origine?
Qui donc, ayant sondé l'abîme, s'imagine
En être mage et roi?
Ah! fantômes humains, courbés sous les désastres!
Qui donc a dit: C'est bien, Éternel. Assez d'astres.
N'en fais plus. Calme-toi!
L'effet séditieux limiterait la cause?
Quelle bouche ici-bas peut dire à quelque chose:
Tu n'iras pas plus loin?
Sous l'élargissement sans fin, la borne plie;
La création vit, croît et se multiplie;
L'homme n'est qu'un témoin.
L'homme n'est qu'un témoin frémissant d'épouvante.
Les firmaments sont pleins de la sève vivante
Comme les animaux.
L'arbre prodigieux croise, agrandit, transforme,
Et mêle aux cieux profonds, comme une gerbe énorme,
Ses ténébreux rameaux.
Car la création est devant, Dieu derrière.
L'homme, du côté noir de l'obscure barrière,
Vit, rôdeur curieux;
Il suffit que son front se lève pour qu'il voie
A travers la sinistre et morne claire-voie
Cet oeil mystérieux.