la vision de la vie,
larve des vents poursuivie,
passe et ne m' occupe pas.
La terre est une masure ;
qu' importe ce que mesure
l' heure en tournant son compas !
Que me fait la moisson blonde,
l' étoile sortant de l' onde,
l' aube dorant l' horizon,
et le bouquet sur la branche,
et la nue obscure ou blanche !
Ce n' est point là ma maison.
Je regarde d' autres choses,
d' autres astres, d' autres roses,
l' autre figure du sort,
et ce champ noir que recouvre
l' ombre, où vaguement s' entr' ouvre
la fleur blême de la mort.
Oh ! Pour qui donc fleurit-elle,
la pâle fleur immortelle ?
Triste, elle s' épanouit ;
elle exhale, morne et sombre,
on ne sait quel parfum d' ombre
dans l' inexprimable nuit.
Au fond des brumes fatales,
sur ses sinistres pétales
tremble une étrange lueur ;
la lugubre fleur regarde,
vertigineuse et hagarde,
comme une face en sueur.
à sa lumière où s' éclipse
la terrestre apocalypse,
j' entrevois la vérité ;
car la vie est le mensonge,
la chair trompe, et l' oeil qui songe
voit mieux l' âme, l' homme ôté.
Guernesey, 31 mai 1857.
1843, 05