PLUME DE POÉSIES
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 Victor HUGO (1802-1885) Scène deuxième cyadmis, la tour, puis Hug , puis Othon

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James
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Victor HUGO (1802-1885) Scène deuxième cyadmis, la tour, puis Hug , puis Othon Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) Scène deuxième cyadmis, la tour, puis Hug , puis Othon   Victor HUGO (1802-1885) Scène deuxième cyadmis, la tour, puis Hug , puis Othon Icon_minitimeDim 25 Sep - 18:38

SCÈNE DEUXIÈME
CYADMIS, LA TOUR, puis HUG, puis OTHON,

puis SYLVESTRE.




CYADMIS, parlant à la tour.
Personne n'a le droit de prendre un coin de terre
Au prince armé par Dieu d'un titre héréditaire.
S'isoler, c'est trahir. Welf, castellan d'Osbor,
Toi qu'on doit comme un ours traquer au bruit du cor,
Je te provoque au bruit du clairon, comme un homme ;
Mais d'abord je te parle en ami. Je te somme
D'être un garçon prudent, docile aux bons avis.
Chevalier, haut la herse et bas le pont-levis.
Je veux entrer. Je veux passer. Cette montagne
N'est pas comme la Crète et comme la Bretagne,
Une île, et ce fossé n'est pas la mer. Baron,
Viens, je te chausserai moi-même l'éperon ;
Je t'admets dans ma troupe, à vaincre habituée ;
Tu seras capitaine, avec une nuée
De trompettes courant et sonnant devant toi.
Descends, ouvre ta porte, et causons. Par ma foi,
Tu n'es pas fait pour vivre entre quatre murailles.
Ami, nous gagnerons ensemble des batailles.
C'est beau d'avoir l'épée au poing, d'être le bras
De la victoire, et d'être un soldat ! Tu verras
Comme c'est un bonheur de partir pour la guerre,
Et comme avec orgueil, quittant tout soin vulgaire,
Rois et vassaux, soldats et chefs, nous nous offrons
Un vaste gonflement des drapeaux sur nos fronts !
Quelle joie et quels cris lorsqu'on force une ville !
On se vautre à travers la populace vile !
La femme qu'on fait veuve, on lui prend un baiser.
Tu n'es pas encor d'âge à ne point t'amuser.
En échange d'un burg sur un rocher, je t'offre
Une tente de soie et de l'or à plein coffre,
Et l'altière rumeur des camps et des clairons.
Nous irons conquérir le monde, et nous aurons
Des filles et du vin, et tu feras ripaille
Au lieu de coucher seul dans ton trou sur la paille.
Lève ta herse, accepte, et soyons bons amis.
Ouvre-moi, je tiendrai tout ce que j'ai promis.
Sinon, prends garde à toi. J'ai l'habitude d'être
Patient à l'affront comme au feu le salpêtre.
J'aurai bien vite fait d'écraser ton donjon.
Cueillir un burg ainsi qu'on sarcle un sauvageon,
Et coucher une tour tout de son long dans l'herbe,
Ce sont mes jeux. Sais-tu, de ton château superbe
Ce qui restera, dis, lorsque j'aurai passé ?
Une baraque informe au fond d'un noir fossé.
Et de ta haute tour de guerre ? Une masure
Bonne aux moineaux cachant leurs nids dans l'embrasure.
Et du sauvage aspect de tes créneaux altiers ?
Un tas de pierres, plein de houx et d'églantiers,
Où les femmes viendront faire sécher leur linge.
Je suis Cyadmis, duc et marquis de Thuringe.
Ouvre-moi.



Silence dans la tour.

Paraît un étendard portant à la hampe une couronne de roi.

Entre, derrière un groupe de trompettes, un homme à cheval vêtu de drap d'or,

ayant une couronne royale sur la tête. Il a un sceptre à la main. À sa
suite, marche une compagnie d'arbalétriers bourguignons couronnés de
fleurs ; ils ont de grandes arbalètes, des boucliers faits d'une peau de boeuf
et hauts comme un homme, et les pieds nus dans des chaussures de corde.
Tous s'arrêtent.

Le duc et sa troupe se rangent.

L'homme à couronne royale fait face à la tour. La fanfare cesse.




HUG, parlant à la tour.
Je suis roi d'Arle aux verts coteaux,
Et j'ai pour fiefs Orange et Saint-Paul-Trois-Châteaux ;
À quiconque me brave on sait ce qu'il en coûte,
Et je m'appelle Hug, fils de Boron. Écoute,
Homme de ces monts, toi qui fais de l'ombre ici.
Je ne te vois pas, maître obscur du burg noirci ;
Mais derrière ton mur, tu songes ; je te parle.
Tu n'es pas sans avoir entendu parler d'Arle,
Dont l'aïeul est Priam, car sur nos monts chenus,
Avant les Phocéens, les Troyens sont venus ;
Arle est fille de Troie et mère de Grenoble,
Isidore la nomme une ville très-noble,
Et Théodoric, comte et roi des goths, l'aima.
Les Français ne l'auront jamais. Gênes, Palma,
Mayorque, Rhode et Tyr sont mes ports tributaires,
J'ai le Rhône, et l'Autriche est une de mes terres.
Arle est riche ; à la Diète elle achète des voix ;
Les califes lui font de précieux envois ;
Elle reçoit par mer les dons de ces hautesses,
Les odeurs d'Arabie, et les délicatesses
De l'Asie, et telle est la beauté de ses tours
Qu'elles attirent l'aigle et chassent les vautours.
Mon sceptre est salué par cent vassaux, tous princes.
J'ai le Rhin aux sept monts, la Gaule aux sept provinces.
T'attaquer, toi vieillard, j'en serais bien fâché.
Donne-nous ta montagne, et je t'offre un duché.
Je t'offre en ma Bourgogne autant de bonne terre
Qu'on en voit de mauvaise en ce mont solitaire.
Accepte, car nos champs donnent beaucoup de blé.
Le trouvère Ericus d'Auxerre en a parlé.
Arles t'attend. Je t'offre en ma ville latine
Un palais où, vieillards à la voix enfantine,
Les poëtes viendront, hôtes mélodieux,
Te chanter, comme au temps qu'on croyait aux faux dieux.
Tu seras un seigneur dans mon pompeux cortége,
Et tu présideras des cours d'amour. La neige,
La bise, le brouillard, les ouragans hurlants,
Font une sombre fête à tes fiers cheveux blancs,
Car cet âpre sommet a, sous le vent sonore,
Plus d'hiver que d'été, plus de nuit que d'aurore.
Viens te chauffer, vieillard. Je t'offre le midi.
Tu cueilleras la rose et le lys d'Engaddi.
Accepte. On trouve ainsi moyen de plaire aux femmes ;
Car il est gracieux de s'approcher des dames
En souriant avec des bouquets dans les mains.
L'aloès, le palmier, les oeillets, les jasmins
Emplissent nos jardins d'encens et d'allégresse,
Et l'ancien dieu Printemps, qu'on adorait en Grèce,
N'avait pas plus de fleurs quand il les rassembla
Toutes, pour les offrir aux abeilles d'Hybla.
Lève la herse, abats le pont, ouvre la porte,
Accepte ce que moi, roi d'Arles, je t'apporte.



Silence dans la tour.

La fumée s'épaissit et devient rougeâtre.

Le roi se range près du duc.

Fanfare.

Paraît une bannière de drap d'or, portant un grand aigle de sable,

éployé. Des sonneurs de trompes et des batteurs de cymbales la précèdent.
Derrière la bannière, entre un homme à cheval, vêtu de pourpre, ayant

dans la main un globe, et sur la tête la couronne impériale.
Il est suivi d'une poutre à tête de bélier de bronze, portée par des Croates

nus, hauts de six pieds. Le Bélier est flanqué de montagnards tyroliens
en jaquettes bariolées, armés de frondes.
Tout ce cortège s'arrête et fait face à la tour. Les trompes et les cymbales

se taisent.



OTHON, tourné vers la tour.
Othon, empereur, parle à Welf, baron bandit,
Et le bandit se cache, et l'empereur lui dit :
Vassal, ouvre ton burg. Je viens te faire grâce.
Welf, quand c'est l'empereur d'Allemagne qui passe,
La clémence au doux front marche à côté de lui.
Mais l'homme absous, c'est peu ; je veux l'homme Ébloui.
Quand l'empereur pardonne, il donne une province.
Le duc te fait soldat, le roi duc, et moi prince.
Chacun de nous, suivant sa taille, te grandit.
Je puis, si je le veux, te mettre en interdit ;
J'aime mieux t'attirer, moi centre, dans ma sphère,
Te couvrir de splendeur et d'aurore, et te faire
Roi près de l'empereur, astre près du soleil.
Ton pennon couronné sera presque pareil
À ma bannière, alors qu'on tremble, et que la terre
Se courbe et cherche à fuir sous mon cri militaire,
Et qu'on voit s'envoler dans l'orage en avant
L'hydre noire au bec d'aigle ouvrant son aile au vent !
Welf, obéis. Je suis celui qui tient le globe.
J'ai la guerre et la paix dans les plis de ma robe.
Je t'offre la Hongrie, un royaume. Veux-tu ?

Silence dans la tour.

Fanfare.

L'empereur se range près du roi et du duc.

Paraît une grande croix d'or à trois branches. Derrière le porte-croix, qui

est habillé de violet, vient, sur une mule blanche, un vieillard vêtu de
blanc, qui a la tiare en tête. Il est seul, sans gardes. Le porte-croix
s'arrête.
La fanfare se tait. Le vieillard parle à la tour.



SYLVESTRE.
Moi, j'ai les clefs. La force est moins que la vertu.
Deux mains jointes font plus d'ouvrage sur la terre
Que tout le roulement des machines de guerre.
César est grand ; mais Christ, à la douceur enclin,
Près de l'homme de pourpre a mis l'homme de lin.
Je suis le Père. En moi la lumière se lève,
Et ce que l'empereur commence, je l'achève ;
Il absout pour la terre, et j'absous pour le ciel.
Le grand César ne peut rien donner d'éternel.
Il t'offre une couronne, et moi je t'offre une âme ;
La tienne. En t'isolant, comme en un schisme infâme,
Triste excommunié, tu l'as perdue, hélas !
Je te la rends. Frémis, vieillard, tu reculas
Vers Satan, et tu fis outrage au ciel propice
Quand tu mis entre nous et toi ce précipice.
Fils, veux-tu regagner ta part du paradis,
Rentrer chez les élus, fuir de chez les maudits ?
Cède à moi qui suis pape, héritier des apôtres.



Un homme paraît entre deux créneaux au haut de la tour. Il est tout

habillé de fer. Sa barbe blanche passe sous sa visière baissée. Il se
découpe en noir sur le fond de neige de la montagne.
La nuit commence à tomber.

_________________
J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
James
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