Septentrion.
Un bras mystérieux me tient toujours levé ;
Je suis le chandelier à sept branches du pôle.
Comme des fantassins le glaive sur l’épaule,
Mes feux veillent au bord du vide où tout finit ;
Les univers semés du nadir au zénith,
Sous tous les équateurs et sous tous les tropiques,
Disent entre eux : - On voit la pointe de leurs piques ;
Ce sont les noirs gardiens du pôle monstrueux. -
L’éther ténébreux, plein de globes tortueux,
Ne sait pas qui je suis, et dans la nuit vermeille
Il me guette, pendant que moi, clarté, je veille.
Il me voit m’avancer, moi l’immense éclaireur,
Se dresse, et, frémissant, écoute avec horreur
S’il n’entend pas marcher mes chevaux invisibles.
Il me jette des noms sauvages et terribles,
Et voit en moi la bête errante dans les cieux.
Or nous sommes le nord, les lumières, les yeux,
Sept yeux vivants, ayant des soleils pour prunelles,
Les éternels flambeaux des ombres éternelles.
Je suis Septentrion qui sur vous apparaît.
Sirius avec tous ses globes ne serait
Pas même une étincelle en ma moindre fournaise.
Entre deux de mes feux cent mondes sont à l’aise.
J’habite sur la nuit les radieux sommets.
Les comètes de braise elles-mêmes jamais
N’oseraient éclairer des flammes de leurs queues
Le chariot roulant dans les profondeurs bleues.
Cet astre qui parlait je ne l’aperçois pas.
Les étoiles des cieux vont et viennent là-bas,
Traînant leurs sphères d’or et leurs lunes fidèles,
Et, si je me mettais en marche au milieu d’elles
Dans les champs de l’éther à ma splendeur soumis,
Ma roue écraserait tous ces soleils fourmis !