PLUME DE POÉSIES
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 Victor HUGO (1802-1885) Une autre voix 3

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MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) Une autre voix 3   Victor HUGO (1802-1885) Une autre voix 3 Icon_minitimeSam 8 Oct - 16:17

UNE AUTRE VOIX
Ah! c'est l'obscurité, c'est la source profonde
Que ton oeil veut scruter, que veut fouiller ta sonde,
O songeur dont la nuit hérisse les cheveux!
Ah! c'est l'énigme Dieu qui t'occupe! Tu veux
Aller au fond! tu veux voir clair dans la nuée!
Vider l'ombre! Il te faut, pauvre âme exténuée,
Cette science-là... -Voyons: tente; entreprends;
Avec les papyrus, les missels, les korans,
Les bibles que les sphynx portaient sur leurs poitrines,
Rebâtis la charpente informe des doctrines;
Des croyances de l'homme écrasé sous le faix,
Echafaude l'amas monstrueux, et refais
Un édifice avec ces poutres mal unies
Qu'on nomme vérités, dogmes, théogonies;
Restaure, démolis, fonde. Fais des essais.
Remets le vieux bahut debout sur ses vieux ais;
Crois comme Jean Climaque et Jean Catéchumène;
Ou taille un meuble neuf dans la science humaine
Pour y mettre sous clef l'ombre et l'éternité.
Questionne l'autel d'Isis ou d'Astarté,
Ou les temples payens, peu salués des sages,
Ayant de noirs corbeaux nichés dans leurs bossages,
Ou le blême Irmensul debout dans le menhir;
Creuse dans le passé, creuse dans l'avenir;
Regarde fixement le Temps noir qui feuillette
L'homme et la vie avec son pouce de squelette;
Épèle l'univers que le souffle créa,
Texte dont chaque monde est un alinéa;
Chiffre et déchiffre; éprouve, interprète, proclame;
Confronte ce que l'homme a d'ombre dans son âme
Avec ce que le ciel a d'âme dans sa nuit
Relance Olympe ermite au fond de son réduit;
Interroge le ver sur la toile qu'il file;
Montre et vois; fais la pâque ainsi que Théophile
Le quatorzième jour de la lune de mars;
Visite Ammon ; tiens tête aux colosses camards
Conteste, affirme; nie, attends; dis ton rosaire;
Sens la terre trembler -sous toi comme Césaire;
Prêche avant d'être prêtre ainsi que Bellarmin;
Exprime en ton cerveau tout le savoir humain
Fais-toi de tout comprendre une étrange prouesse;
Vois venir au-devant l'un de l'autre Boèce
Et saint-Denis, chacun sa tête dans sa main;
De la même façon fais le même chemin;
Hante les profondeurs dont Pythagore est pâle;
Commente nuphre, Adon, Glareanus de Bâle
Sois druide, fakir, bonze, magicien;
Installe, si tu veux; sur le modèle ancien,
Au-dessus des brouillards de l'erreur chimérique,
Une sagesse avec entablement dorique;
Sois le médiateur des aveugles Volta
Dément Clairaut; Cyrille au front du Golgotha
Voit dans l'Ombre une croix haute de quinze stades
Bossuet de Calvin tance les incartades;
L'évêque Archelaüs poursuit l'errant Manès;
Hildebrand dit: Mol SEUL. Luther dit: HERR OMNES
Ce qu'adore Pascal Diderot le diffame;
Reuchlin dit: -Vos trois rois! conte de bonne femme!
-D'où viennent-ils? demande Arouet à Calmet ;
De l'Inde ou de l'Afrique? -Et Paracelse-met
Trois pégases de flamme aux ordres des trois mages;
Salomon-sculpte l'arche; Huss brise les images;
Pélage veut la lutte; Augustin veut la. foi.;
Interviens; crée un-centre, une règle, une loi;
Trouve l'axe commun des doctrines contraires
A force de raison rends les raisonneurs frères;
Amalgame Épicure avec Ézéchiel;
Pour ceux-ci, l'univers n'a que l'enfer pour ciel;
C'est le cachot-du mal dont vous êtes les proies;
Pour ceux-là, c'est le lieu des fêtes et des joies
Les uns vivent chantant: tout est plaisir et jeu!
D'autres lisent le livre a la lueur du feu.
Combine ce zénith et ce nadir des sages.
Fais pour ton oeil, penché sur les faits, sur les âges,
Une lentille avec tout ce que l'homme apprit;
Cherche; dis-toi: -Je vais faire dans mon esprit

Converger la clarté pour la changer en flamme,
Condenser Dieu sur moi pour allumer mon âme.
Fouille Alcuin, saint-Thomas, Gorgias Léontin,
Le ménologe grec, le rituel latin;
Va de Thèbe Heptapyle à Thèbe Hécatonpyle ;
Eblouis-toi d'énigme et d'effroi la pupile;
Ecris et lis; sois gond du portail; sois flambeau,
Sois. cardinal avec Sadolet et Bembo;
Va-t'en dans le désert manger des sauterelles
Comme Jean qui de l'ombre écoutait les querelles;
Fais une enquête; prends des informations
Près des vents, près des flots où sont les alcyons;
Cueille chaque chimere et chaque schisme; laisse
Novatus pour Eustathe, Arius pour Mélèce;
Va des juifs aux parsis, va des esprits aux corps,
De la ronde des dieux à la ronde des morts,
De la danse morphasme à la danse macabre.
Veille; allume ta lampe au sombre candélabre
Que tiennent, près du trône où Septentrion luit,
Persée et Sirius, ces nègres de la nuit.
Interpelle le germe et la endre; rédige
Un interrogatoire en forme du prodige;
Ecoute pétiller le feu dans l'encensoir;
Ecoute le cri sourd de la foudre, et, le soir,
Dans le Campo Santo le bruit que fait la pioche;
Parle à Domnus premier, évêque d'Antioche,
Et sur l'irrémissible et sur le véniel,
Consulte Cassien, Scaliger, Torniel;
Sois le voyant! pareil aux tremblants aruspices,
Va regarder la nuit l'horreur des précipices;
Au fond de tout abîme aie un sinistre aimant;
Observe, spectateur des deux gouffres, comment
L'homme entre dans la mort et l'astre dans l'éclipse;
Donne aux vierges ta plume ainsi que Juste Lipse;
Attends dans l'infini, leur morne promenoir,
Zénon, le sage fou, Gerbert, le pape noir;
Prie, évoque, bénis, sacre, exorcise, adjure;
Accoude-toi sur l'être obscur; fais la gageure
De l'énigme, du sphinx, du gouffre, de demain,
D'hier, de l'avenir! jauge, la toise en main,
Le ciel par kilomètre ou bien par centiare;
Drape-toi d'un suaire ou coiffe une tiare;
Tâte dans le cercueil l'affreux noeud gordien;
Prends-toi pour unité; fais-toi méridien;
Ajoute ta raison, ton but; ta conjecture
Et ta pensée ainsi qu'un faîte à la nature;
Mets sur cette Chéops le pyramidion;
Sois un convertisseur comme Spiridion;
Sois un avertisseur comme le coq sonore;
Monte sur le cheval terrible de Lénore,
Ayant pour t'éclairer le feu de ses naseaux,
Et la lumière qu'ont les spectres sur leurs os;
Superpose et bâtis comme une tour solide
Wiclef, Leibnitz; le diacre Ambroise, Basilide,
Swedenborg, Lyranus, Rupert, Abulensis,
Cardan, sous l'escarboucle inexprimable assis,
Photin, Cassiodore, Alcidamas, Eusèbe,
Potamon d'Héraclée et Paphnuce de Thèbe,
Tous les docteurs, vrais, faux, grands, petits, inconnus,
Connus, depuis Sophron jusqu'à Théotechnus,
Les devins, les_ savants, Paris, Rome, Épidaure,
Les poëtes sereins, ces frères de l'aurore
Faits de la même pourpre et dorés du même or,
La congrégation des pères de Saint Maur,
La grâce, le péché, l'oraison impétrante,
Les vingt-cinq sessions du concile de Trente,
.Les feuillets sibyllins tombés. on ne sait d'où,
Le livre turc, le livre hébreu, le livre indou;
Passe lés jours, les nuits; deviens blanc dans les rêves;
Sois Jérôme; oui, sois Jean rôdant le long des grèves;
Sois Dante pour penser et sois Newton pour voir;
Sois Origène, Euler, Platon! Veux-tu savoir
Ce que tu construiras sur Dieu? de la fumée.

Oui, combine, l'Égypte, et Delphe, et l'Idumée;
Cherche le sens des mots Zéus, Vichnou, Mithra;
Fouille le zodiaque obscur, de Denderah ;
Espère où Nicomaque et Thalès désespèrent;
Reprends les chiffres noirs, où d'autres se trompèrent
Reprends-les tous, reprends ceux où tu te trompas;
Tous les cercles que peut contenir ton compas,
Trace-les; songe; parle aux. arbres; fais-leur signe;
Compte, compte, recompte; additionne, aligne,
Devant l'impénétrable et devant le fatal,
Devant ce qui. n'a pas de nombre et de total,
Tous tes zéros, anneaux du rideau de la tombe.;
Le sépulcre, c'est:là que toujours on retombe,
Se dresse devant toi, regarde tes travaux,
Bons, mauvais, inexacts, exacts, anciens, nouveaux,
Et ce tas de calculs que, ta pensée anime,
Et te jette e. cri, le seul mot de l'abîme
Qu'il sache, et le seul nom. qu'il se connaisse: Après?

Question que se font dans l'ombre les cyprès.
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