PLUME DE POÉSIES
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 Victor HUGO (1802-1885) Une autre voix 6

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MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) Une autre voix 6   Victor HUGO (1802-1885) Une autre voix 6 Icon_minitimeSam 8 Oct - 18:18

UNE AUTRE VOIX


Est-ce que, voyageur fatal, tu prémédites
Des actions de rêve étranges et maudites,
D'aller, de forcer l'Ombre, et fouillant, et bravant,
De t'enfoncer plus loin que les ailes du vent?
Dis. Parle. Oh! les songeurs ont une sombre envie
Ils voudraient tous avoir déjà franchi la. vie,
Pour connaître, pour être ailleurs, pour voir plus loin.
Pour eux, vivre est l'Obstacle et savoir le besoin.
En attendant la tombe, ils s'en vont aux nuées,
Par les rêves de l'homme en bas continuées,
Aux vents, aux monts; aux lieux déserts, aux lieux secrets,
À tout ce qui contient de l'abîme, forêts,
Antres, écueils des mers, nids d'où tombe la plume,
À la, fleur qui s'entr'ouvre, à l'astre qui s'allume,
A tout ce qui voit l'ombre et tremble sur le bord,
Désaltérer leur soif lugubre de la mort.
As-tu donc aussi, toi, cette soif surhumaine?
Veux-tu voir? Est-ce là, passant, ce qui t'amène?
Sois tranquille, homme. Attends.: Cela finit toujours
Par s'ouvrir devant toi, pauvre ombre aux instants courts.
Le mystère, à présent sans clef, sans déchirure,
Clos, fermé par la nuit, la sinistre serrure,
T'apparaît, recouvrant on ne sait quel écrou,
Barré, farouche, ayant tout l'azur pour verrou;
Ton cadavre en tombant défonce cette porte.
Le ciel noir plie et s'ouvre au, poids de la chair morte.
L'homme entre enfin au gouffre exécrable ou béni.
Par la fente que fait la mort à l'infini.
Attends donc cette mort. qui fait l'âme complète,
La pénétration de. Dieu dans ton. squelette,
Les astres, plus nombreux, quand l'homme n'est pas noir,
Dans les plis du linceul que dans les plis du soir;
Attends l'ascension suprême de la chute;
Attends la fin du songe, homme, et de la minute.
Cette explication qu'on nomme éternité.

Tout ce que tu peux faire en ton humanité,
-Écoute, dans, ta chair, homme, dans ta bassesse,
C'est de chercher, partout, de contempler sans, cesse,
De loin, de près, avec ton coeur et ta raison,
Le trépas qui jamais ne manque à l'horizon,
C'est d'observer toujours, à travers ta souffrance,
Ce visage sinistre et noir de l'espérance,

Homme, et de ne jamais quitter des yeux la mort,
Et de vivre tourné, comme l'aiguille au nord,
Vers ce but de-ta route; ô pauvre âme asservie!

La mort est. la veilleuse étrange de la vie,.
La lueur allumée au sommet du destin.
Rougeur du soir ayant des blancheurs de matin,
Elle fait apparaître à sa clarté des rives,
Des cieux toute l'énigme en pâles perspectives,
Les cimes des flots d'ombre au fond des gouffres noirs,
Et le bien et le mal, mystérieux miroirs;
Vivante, incorruptible, égale, elle prolonge
A travers l'apparence, et la brume, et le songe,
Et tout le faux dont l'être éperdu fait l'essai,
Une lumière intègre et terrible de vrai;
Elle montre la vie; elle met en saillie
Tous ces masques, amour, haine, raison, folie,
Qui flottent dans le vent pêle-mêle, et qui vont;
Elle blêmit le bord du sans fin, du sans fond
D'où l'on ne revient pas avec la même forme;
Elle jette un rayon sur une entrée énorme,
Effleure ces rondeurs, ciel, globe, crâne nu,
Et, tranquille; avertit, de quoi-? de l'inconnu.
Elle éclaire un port vague où l'on se réfugie.
On voit sur l'infini cette sombre vigie.
Donc, attends.

Autrement, sache, qui que tu sois,
Qu'un voyage en cette ombre est un lugubre choix;
Le vertige saisit les; noirs plongeurs tenaces
Qui du-grand ciel farouche affrontent les menaces;
L'immobile infini, fait un nain du géant.
Avant d'aller plus loin, regarde ton néant.
Car tu ne pourras, pas, quelle que soit ta course,
Aborder l'inconnu, l'origine, la source,
Le lieu fatal où tout s'explique et se rejoint,
Car tu n'entreras-point, car tu n'atteindras point,
Car, l'océan de nuit,. de bitume et de soufre,
Jamais tu ne: pourras le franchir, car, le gouffre,
Tu ne le vaincras pas, quand même tu serais
Une espèce d'esprit des monts et des forêts,
Un coeur sentant en soi la nature bruire;
Un homme traversé par une énorme lyre!
Quand même tu serais une. âme aux yeux ardents
Dont la fauve pensée a pris le mors aux dents,
Et qui, dans la caverne où le trépas seul entre,
Fuit, terrible, aspirant tous les souffles de l'antre!
Quand même tu serais un de ces mages fiers
Que nous voyons parfois, blêmes passants des airs,

Se ruer dans le gouffre où, comme eux, tu te plonges,
Pâles, les poings crispés aux rênes de leurs songes,
Se penchant, se dressant, lâchant et retenant
On ne sait quoi d'obscur, d'envolé, de tonnant,
Regardant, dispersant leurs prunelles livides,
Comme s'ils conduisaient dans l'ombre-à grandes guides
A travers l'éther vague et le tourbillon fou,
Dans la brume, au hasard, devant eux, n'importe où,
Peut-être vers la nuit, peut-être vers la cime,
Un char que, traîneraient, avec-un bruit d'abîme,
Croupes sombres, fuyant, s'abaissant, s'élevant;.
Six cents chevaux d'éclair, de nuée et de vent!
Te figures-tu donc être, par aventure,
Autre chose qu'un point dans l'aveugle-nature?
Toi, l'homme, cendre et chair, te persuades-tu
Que d'une fonction l'ombre t'a revêtu?.
Quel droit te crois-tu donc à chercher, à poursuivre,
A saisir ce qui peut exister, durer, vivre,
A surprendre, à connaître,. à savoir, toi qui n'es
Qu'une larve, et qui meurs aussitôt que tu nais?
J'admire ton néant inouï s'il suppose'
Qu'il est par l'absolu compté pour quelque chose!
Quelle idée, ô songeur du songe humanité,
As-tu de ton cerveau pour croire, en. vérité,
Qu'il peut prendre ou laisser une empreinte à l'abîme?
Ta pensée est abjecte; étroite, folle, infime
L'homme est de la fumée obscure qui descend.
T'imagines-tu donc laisser trace; ô passant?
Rêves-tu l'absolu comme ton fleuve Seine.
Coulant entre les quais de ta ville malsaine,
Recueillant les égouts de toutes tes maisons,
Doctrines, volontés, illusions, raisons;
Ayant dans son courant, si quelqu'un te réclame,
Quelque pont de Saint-Cloud où l'on repêche. l'âme?
Crois-tu que cette eau vaste et sourde, Immensité,
Ne t'enveloppe pas d'oubli, de cécité,
De silence, et sanglote à ta chute,:et soit triste?
Crois-tu que ta chimère en ce gouffre persiste,
Qu'elle y garde sa forme, espoir, rêve, action;
Et qu'on retrouve, après ta disparition,

Quelque chose de toi, ton cadavre ou ton ombre,
Aux noirs filets flottants de l'éternité sombre?
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Victor HUGO (1802-1885) Une autre voix 6
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