Jamais. La foule un jour peut couvrir le.principe;
Mais le flot redescend, l'écume se.dissipe,
La vague en s'en allant laisse le droit à nu.
Qui donc s'est figuré que le premier venu
Avait droit sur mon droit! qu'il fallait que je prisse
Sa bassesse pour joug, pour règle son caprice!.
Que j'entrasse au cachot s'il entre au cabanon! ,
Que je fusse forcé de me faire chaînon
Parce qu'il plaît à tous de se changer en chaîne!
Que le pli du roseau devînt la loi du chêne!
Ah! le premier venu, le passant, parlons-en.
Il contient un héros doublé. d'un + "
Les révolutions,. durables, quoi qu'il fasse,
Ont pour cet inconnu qui jette à leur surface
Tantôt de l'infamie et tantôt de l'honneur,
Le dédain qu'a le mur pour le badigeonneur.
Voyez-le,.ce bourgeois de Paris ou d'Athènes
Ou de Rome, pareil à l'eau qui des fontaines
Tombe au pavés, s'en va dans le ruisseau fatal,
Et devient boue après avoir été cristal.
Cet homme étonne, après tant de jours beaux et rudes,
Par son indifférence. au fond des turpitudes,
Ceux mêmes qu'ont d'abord éblouis ses vertus;
Il est Falstaff après avoir été Brutus;
Il entre dans l'orgie en sortant de la gloire;
Allez lui demander s'il sait sa propre histoire,
Ce qu'était Washington ou ce qu'a fait Bara,
Son coeur mort ne bat plus aux noms qu'il adora.
Naguère il restaurait les vieux cultes, les bustes
De ses héros tombés, de ses aïeux robustes,
Phocion expiré,' Lycurgue enseveli,. -
Riego mort, et voyez maintenant quel oubli!
Triste corbeau honteux d'avoir été le cygne,
Il est si bien esclave à présent qu'il s'indigne
De ses hauts faits passés perdus dans la vapeur;
Il y- 18 à son audace ancienne, il en a peur.
Il fut grand, et s'en lave; il fut saint, et l'ignore.;
Il ne s'aperçoit pas même qu'il déshonore
Par l'oeuvre d'aujourd'hui son ouvrage d'hier
Il devient lâche et vil, lui qu'on a vu si fier;
Et, sans que rien en lui se révolte et proteste,
Barbouille un cabaret sordide avec le reste
De la chaux dont il vient de blanchir un tombeau.
Mais quoi! reproche-t-on son plumage au corbeau,
A l'air qui fuit, lé vent, à la mer qui s'écroule
L'onde, et ses millions de têtes à la foule?.
Que sert de chicaner ses erreurs, son chemin,
Ses retours en arrière, à ce nuage humain,
A ce grand tourbillon des vivants, incapable,
Hélas! d'être innocent comme d'être coupable?
A quoi bon? quoique vague, obscur, sans point d'appui,
Il est utile; et tout en flottant devant lui, .
Il a pour fonction, à Paris.comme à Londre,
De faire le progrès, et d'autres d'en répondre;
La République anglaise expire, se dissout,
Tombe, et laisse Milton derrière elle debout;
La foule a disparu, mais le penseur demeure;
C'est assez pour que tout germe et que rien ne meure.