Oh ! je t'emporterai si haut dans les nuées,
Vipèré, que. la bourbe où la nuit t'engendra,
DERNIÈRE GERBE
La plaine et le marais, les cris et les huées,
Les voix, les pas, le bruit, tout s'évanouira !
Je briserai tes dents dans ta bouche, ô vipère !
En vain tu te tordras, reptile épouvanté,
En vain tu te tordras, cherchant des yeux la terre,
Tu ne verras plus rien qu'une immense clarté !
Rien que le ciel profond, éternel, immobile,
Que les êtres créés sentent au-dessus d'eux
Et qui dans sa splendeur implacable et tranquille
Pèse de toutes parts sur les monstres hideux !
Et ce ne sera pas, pour l'oiseau dans la nue,
Un médiocre effroi de voir cet être impur,
Cette chose difforme au soleil inconnue,
Qui, faite pour la fange, expire dans l'azur !
Si ceux qui t'admiraient - car, vipère, on t'admire, -
Te cherchent au cloaque où tu crois t'abriter,
Il sortira de l'ombre une voix pour leur dire :
Un aigle a passé là qui vient de l'emporter.
23 mai 1850.