L’Ennemi.
Il est un pin si grand, sur la montagne ardue,
Que l’Espagne au regard tout entière étendue
Apparaît du sommet. Olivier le gravit;
Il monta jusqu’au bout, et voici ce qu’il vit:
Il vit, en se tenant des mains aux branches sèches,
Tout un grand peuple armé de lances et de flèches.
Vêtu de peaux de loups et de peaux de lions,
Qui couvrait les coteaux, les ravins, les sillons,
Plus pressé, plus mouvant que, sur la mer immense,
Les flots amoncelés quand l’orage commence.
C’était le peuple noir des pays inconnus,
Les barbares, d’Asie et d’Afrique venus,
Ceux qui de Tervagant suivent l’infàme culte.
Hideux, prêts au combat, dans un sombre tumulte,
Ils étaient là, tribus et chefs, ils attendaient,
Et jusqu’aux horizons leurs lignes se perdaient;
Et le bruit qui sortait parfois de cette foule
Était semblable au bruit du tonnerre qui roule,
Au bruit de la forêt qui gronde dans la nuit.
Olivier vit ce peuple, il entendit ce bruit,
Il descendit enfin: « Le combat sera rude,
Dit-il; je viens de voir l’affreuse multitude!»
Roland lui répondit en lui prenant la main:
« Ils seront moins nombreux, je le jure, demain!
Que chacun des barons, en digne capitaine,
Se charge d’en occire au moins une centaine,
Toi, cinq cents, moi, dix mille, et nous verrons après.»
On se battit alors dans la ronce et le grès,
On fit le premier pas sur la terre espagnole,
Le combat fut terrible - et Roland tint parole.