Epilogue.
Voilà donc ce qu’étaient nos illustres ancêtres
Aux grands jours d’autrefois,
Quand ils couraient le monde et qu’ils parlaient en maître
Aux peuples comme aux rois!
Voilà ce qu’ils étaient! vous conservez leur trace,
Montagnes et halliers!
Heureux ou malheureux, c’était toujours la race
Des vaillants chevaliers.
Fiers et suivant au loin leur étoile qui brille,
Ils marchaient triomphants;
Ils ne formaient alors qu’une seule famille
Avec tous ses enfants.
Si la défaite, un jour, humiliant cet astre,
Voilait son rayon d’or,
Du soir au lendemain, relevés du désastre,
Ils triomphaient encor.
D’un essor unanime ils allaient sous le heaume,
Faisant l’oeuvre de Dieu.
Pas un peuple ne fut plus grand, pas un royaume
Sous le vaste ciel bleu!
La discorde est venue, elle a de cette armée
Désuni tous les rangs;
Elle a fait une foule asservie, opprimée,
De tous ces conquérants.
O Patrie, où vas-tu? Ce ne sont que divorces
Et fureurs de partis.
Bientôt le plus grand peuple, ayant usé ses forces,
Sera des plus petits.
Le monde avec stupeur verra cette ruine,
Il verra ce néant;
Et se demandera quelle rigueur divine
A frappé le géant.
C’en est fait, tout s’écroule et plus rien ne s’élève:
Plus de grande unité!
Nous voilà presque morts, nous qui faisions le rêve
De notre éternité!
Maudit soit le destin qui de notre concorde
A délié les noeuds!
Qui vint faire, ô douleur! d’un peuple où tout s’accorde
Plusieurs peuples haineux!
Depuis lors, tout s’en va, la gloire et la fortune;
L’antique honneur descend.
Mère, réveille-toi! parle, mère commune,
A tous ceux de ton sang!
Fils de la vieille Gaule et de la vieille France,
Quand renaîtra le jour
Où nous serons unis dans la même espérance
Et dans le même amour?
En vain le ciel est noir, en vain la terre tremble
Sous l’aveugle troupeau.
Tout peut être sauvé si nous marchons ensemble,
Quel que soit le drapeau!
Vienne, vienne bientôt cette heure qui rapproche
Les esprits et les coeurs,
Nous serons de nouveau, sans peur et sans reproche,
La race des vainqueurs.
Puis enfin, désarmés, dans une paix profonde,
Peuple fier, peuple aimant,
Nous aurons cet orgueil de pardonner au monde
L’outrage d’un moment!
15 décembre 1874.