TRAITE POLITIQUE A USAGE LISE
Mois de mai 1815.
Lise, qui règnes par la grace
Du dieu qui nous rend tous égaux,
Ta beauté, que rien ne surpasse,
Enchaîne un peuple de rivaux.
Mais si grand que soit ton empire,
Lise, tes amants sont français;
De tes erreurs permets de rire,
Pour le bonheur de tes sujets.
Combien les belles et les princes
Aiment l'abus d'un grand pouvoir!
Combien d'amants et de provinces
Poussés enfin au désespoir!
Crains que la révolte ennemie
Dans ton boudoir ne trouve accès;
Lise, abjure la tyrannie,
Pour le bonheur de tes sujets.
Par excès de coquetterie
Femme ressemble aux conquérants,
Qui vont bien loin de leur patrie
Dompter cent peuples différents.
Ce sont de terribles coquettes!
N'imite pas leurs vains projets.
Lise, ne fais plus de conquêtes,
Pour le bonheur de tes sujets.
Grace aux courtisans pleins de zèle,
On approche des potentats
Moins aisément que d'une belle
Dont un jaloux suit tous les pas.
Mais sur ton lit, trône paisible,
Où le plaisir rend ses décrets,
Lise, sois toujours accessible,
Pour le bonheur de tes sujets.
Lise, en vain un roi nous assure
Que, s'il règne, il le doit aux cieux,
Ainsi qu'à la simple nature
Tu dois de charmer tous les yeux.
Bien qu'en des mains comme les tiennes
Le sceptre passe sans procès,
De nous il faut que tu le tiennes,
Pour le bonheur de tes sujets.
Pour te faire adorer sans cesse,
Mets à profit ces vérités.
Lise, deviens bonne princesse,
Et respecte nos libertés.
Des roses que l'amour moissonne
Ceins ton front tout brillant d'attraits,
Et garde long-temps ta couronne,
Pour le bonheur de tes sujets.