LE PIGEON MESSAGER 1822
L'aï brillait, et ma jeune maîtresse
Chantait les dieux dans la Grèce oubliés.
Nous comparions notre France à la Grèce,
Quand un pigeon vient s'abattre à nos pieds.
Noeris découvre un billet sous son aile:
Il le portait vers des foyers chéris.
Bois dans ma coupe, ô messager fidèle!
Et dors en paix sur le sein de Noeris.
Il est tombé, las d'un trop long voyage;
Rendons-lui vite et force et liberté.
D'un trafiquant remplit-il le message?
Va-t-il d'amour parler à la beauté?
Peut-être il porte au nid qui le rappelle
Les derniers voeux d'infortunés proscrits.
Bois dans ma coupe, ô messager fidèle!
Mais du billet quelques mots me font croire
Qu'il est en France à des grecs apporté.
Il vient d'Athène; il doit parler de gloire:
Lisons-le donc par droit de parenté.
Athène est libre! Amis! Quelle nouvelle!
Que de lauriers tout-à-coup refleuris!
Bois dans ma coupe, ô messager fidèle!
Athène est libre! Ah! Buvons à la Grèce:
Noeris, voici de nouveaux demi-dieux.
L'Europe en vain, tremblante de vieillesse,
Déshéritait ces aînés glorieux.
Ils sont vainqueurs; Athènes, toujours belle,
N'est plus vouée au culte des débris.
Bois dans ma coupe, ô messager fidèle!
Athène est libre! ô muse des pindares!
Reprends ton sceptre, et ta lyre, et ta voix.
Athène est libre en dépit des barbares;
Athène est libre en dépit de nos rois.
Que l'univers, toujours instruit par elle,
Retrouve encore Athènes dans Paris!
Bois dans ma coupe, ô messager fidèle!
Beau voyageur, au pays des hellènes
Repose-toi, puis vole à tes amours;
Vole, et, bientôt reporté dans Athènes,
Reviens braver et tyrans et vautours.
À tant de rois dont le trône chancelle,
D'un peuple libre apporte encor les cris.
Bois dans ma coupe, ô messager fidèle!