LES HIRONDELLES
Captif au rivage du maure,
Un guerrier, courbé sous ses fers,
Disait: je vous revois encore,
Oiseaux ennemis des hivers.
Hirondelles, que l'espérance
Suit jusqu'en ces brûlants climats,
Sans doute vous quittez la France:
De mon pays ne me parlez-vous pas?
Depuis trois ans je vous conjure
De m'apporter un souvenir
Du vallon où ma vie obscure
Se berçait d'un doux avenir.
Au détour d'une eau qui chemine
À flots purs, sous de frais lilas,
Vous avez vu notre chaumine:
De ce vallon ne me parlez-vous pas?
L'une de vous peut-être est née
Au toit où j'ai reçu le jour;
Là d'une mère infortunée
Vous avez dû plaindre l'amour.
Mourante, elle croit à toute heure
Entendre le bruit de mes pas;
Elle écoute, et puis elle pleure.
De son amour ne me parlez-vous pas?
Ma soeur est-elle mariée?
Avez-vous vu de nos garçons
La foule, aux noces conviée,
La célébrer dans leurs chansons?
Et ces compagnons du jeune âge,
Qui m'ont suivi dans les combats,
Ont-ils revu tous le village?
De tant d'amis ne me parlez-vous pas?
Sur leurs corps l'étranger peut-être
Du vallon reprend le chemin;
Sous mon chaume il commande en maître;
De ma soeur il trouble l'hymen.
Pour moi plus de mère qui prie,
Et par-tout des fers ici-bas.
Hirondelles de ma patrie,
De ses malheurs ne me parlez-vous pas?