LIVRE 3 ELEGIE 4
La veillée.
J' avais signalé ma tendresse ;
l' amour applaudissait ; j' étais égal aux dieux.
Accablé de langueurs, de fatigue et d' ivresse,
entre les bras de ma maîtresse
le doux sommeil avait fermé mes yeux.
Elle, qui n' est plus écolière
dans l' art qu' elle a, sous moi, naguère commencé,
de sa bouche amoureuse entr' ouvrit ma paupière,
et, d' un son de voix doux à l' oreille adressé,
" tu dors, paresseux ! Me dit-elle.
" regarde : il n' est pas encor jour.
" tu dors, à l' heure la plus belle
" que le cercle des nuits ramène pour l' amour !
" laissons, laissons la diligente aurore
" s' arracher, sans pitié, du lit de son amant ;
" jouissons, nous mortels ; profitons du moment :
" qui sait hélas ! Demain si nous serons encore ?
" viens, je brûle ; écartons ces voiles indiscrets.
" prends-moi ; contre ton sein que je meure enchaînée !
" recommençons nos jeux ; invoquons Dionée.
" veillons. Tu dormiras après,
" si tu veux, toute la journée. "