LIVRE 3 ELEGIE 18
Le départ.
à la même.
Non, jamais peut-être à mes yeux
tu n' avais paru si charmante ;
jamais de ta grâce piquante
mon coeur ne fut plus amoureux :
et cependant, ô ma maîtresse,
il faut m' exiler de tes bras !
Malgré l' excès de ma tendresse,
et le pouvoir de tes appas,
il faut quitter ce doux rivage,
ce clair ruisseau, ce frais bocage,
cent fois témoins de notre ardeur ;
il faut laisser tout mon bonheur,
et n' emporter que son image !
Sous de funestes étendards
un devoir importun m' appelle :
soldat poudreux, aux champs de mars
je cours, animé d' un beau zèle,
dans l' art des Guesclins, des Bayards,
et des Bourbons et des Césars,
rejoindre et suivre mon modèle.
Oui, dans huit jours, sous d' autres cieux,
en proie aux tourmens de l' absence,
triste et pensif, à tous les dieux
je demanderai ta présence.
Mais toi, de cent jeunes amans
hélas ! à toute heure entourée,
de voeux et d' encens enivrée,
dis-moi : tiendras-tu tes sermens ?
ô peine ! ô mortelles alarmes !
ô triste et rigoureuse loi !
Périssent la gloire et les armes,
qui font toujours couler des larmes,
et qui me séparent de toi !