PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Nicolas Boileau-Despreaux (1636-1711) EPISTRE 3

Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité




Nicolas Boileau-Despreaux (1636-1711) EPISTRE 3 Empty
MessageSujet: Nicolas Boileau-Despreaux (1636-1711) EPISTRE 3   Nicolas Boileau-Despreaux (1636-1711) EPISTRE 3 Icon_minitimeMer 29 Fév - 23:08

EPISTRE 3



À Monsieur Arnauld,
Docteur de Sorbonne.
Oui, sans peine, au travers des sophismes de Claude,
Arnauld, des novateurs tu découvres la fraude,
Et romps de leurs erreurs les filets captieux.
Mais que sert que ta main leur désille les yeux?
Si toûjours dans leur ame une pudeur rebelle,
Prests d' embrasser l' église, au presche les rappelle.
Non, ne croi pas que Claude habile à se tromper,


Soit insensible aux traits dont tu le sçais frapper:
Mais un démon l' arreste, et quand ta voix l' attire,
Lui dit: si tu te rens, sçais-tu ce qu' on va dire?
Dans son heureux retour lui montre un faux malheur,
Lui peint de Charenton l' heretique douleur,
Et balançant Dieu même en son ame flottante,
Fait mourir dans son coeur la verité naissante.
Des superbes mortels le plus affreux lien,
N' en doutons point, Arnauld, c' est la honte du bien.
Des plus nobles vertus cette adroite ennemie
Peint l' honneur à nos yeux des traits de l' infamie,
Asservit nos esprits sous un joug rigoureux,
Et nous rend l' un de l' autre esclaves malheureux.
Par elle la vertu devient lâche et timide.
Vois-tu ce libertin en public intrepide,
Qui prêche contre un dieu que dans son ame il croit?
Il iroit embrasser la verité qu' il voit:
Mais de ses faux amis il craint la raillerie,
Et ne brave ainsi Dieu que par poltronerie.
C' est là de tous nos maux le fatal fondement.
Des jugemens d' autruy nous tremblons follement,
Et chacun l' un de l' autre adorant les caprices,
Nous cherchons hors de nous nos vertus et nos vices.
Miserables jouëts de nostre vanité,


Faisons au moins l' aveu de nôtre infirmité.
À quoy bon, quand la fiévre en nos arteres brûle,
Faire de nostre mal un secret ridicule?
Le feu sort de vos yeux petillans et troublez,
Vostre pouls inégal marche à pas redoublez:
Quelle fausse pudeur à feindre vous oblige?
Qu' avez-vous? Je n' ai rien. Mais... -je n' ai rien, vous dis-je,
Répondra ce malade à se taire obstiné.
Mais cependant voilà tout son corps cangrené,
Et la fièvre demain se rendant la plus forte,
Un benitier aux pieds va l' étendre à la porte.
Prévenons sagement un si juste malheur.
Le jour fatal est proche et vient comme un voleur.
Avant qu' à nos erreurs le ciel nous abandonne,


Profitons de l' instant que de grâce il nous donne.
Hâtons-nous; le tems fuit, et nous traîne avec soy.
Le moment où je parle est déja loin de moy.
Mais quoy? Toûjours la honte en esclaves nous lie.
Oüi, c' est toy qui nous pers, ridicule folie.
C' est toy qui fis tomber le premier malheureux,
Le jour que d' un faux bien sottement amoureux,
Et n' osant soupçonner sa femme d' imposture,
Au démon par pudeur il vendit la nature.
Hélas! Avant ce jour qui perdit ses neveux,
Tous les plaisirs couroient au devant de ses voeux.
La faim aux animaux ne faisoit point la guerre.
Le blé, pour se donner, sans peine ouvrant la terre,
N' attendoit point qu' un boeuf pressé de l' éguillon,
Traçast à pas tardifs un pénible sillon.
La vigne offroit par tout des grappes toûjours pleines,
Et des ruisseaux de lait serpentoient dans les plaines.
Mais dès ce jour Adam déchû de son état,
D' un tribut de douleurs paya son attentat.
Il fallut qu' au travail son corps rendu docile
Forçast la terre avare à devenir fertile.
Le chardon importun herissa les guerets;
Le serpent venimeux rampa dans les forests:


La canicule en feu desola les campagnes:
L' aquilon en fureur gronda sur les montagnes.
Alors pour se couvrir durant l' âpre saison,
Il fallut aux brebis dérober leur toison.
La peste en même temps, la guerre et la famine
Des malheureux humains jurerent la ruine:
Mais aucun de ces maux n' égala les rigueurs,
Que la mauvaise honte exerça dans les coeurs.
De ce nid à l' instant sortirent tous les vices.
L' avare des premiers en proye à ses caprices,
Dans un infâme gain mettant l' honnesteté,
Pour toute honte alors compta la pauvreté.
L' honneur et la vertu n' osèrent plus paroistre.
La pieté chercha les deserts et le cloistre.


Depuis on n' a point vû de coeur si détaché
Qui par quelque lien ne tînt à ce peché.
Triste et funeste effet du premier de nos crimes!
Moi-même, Arnauld, icy qui te prêche en ces rimes,
Plus qu' aucun des mortels par la honte abbattu,
Envain j' arme contr' elle une foible vertu.
Ainsi toûjours douteux, chancelant et volage,
À peine du limon où le vice m' engage,
J' arrache un pié timide, et sors en m' agitant,
Que l' autre m' y reporte et s' embourbe à l' instant.
Car si, comme aujourd' huy, quelque rayon de zele
Allume dans mon coeur une clarté nouvelle,
Soudain aux yeux d' autruy s' il faut la confirmer,
D' un geste, d' un regard je me sens alarmer;
Et mesme sur ces vers que je te viens d' écrire,
Je tremble en ce moment de ce que l' on va dire.
Revenir en haut Aller en bas
 
Nicolas Boileau-Despreaux (1636-1711) EPISTRE 3
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Nicolas Boileau-Despreaux (1636-1711) EPISTRE 1
» Nicolas Boileau-Despreaux (1636-1711) EPISTRE 2
» Nicolas Boileau-Despreaux (1636-1711) EPISTRE 4
» Nicolas Boileau-Despreaux (1636-1711) EPISTRE 5
» Nicolas Boileau-Despreaux (1636-1711) EPISTRE 6

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: