II
Près du catafalque en drap noir
Jauni par des lueurs de cierge,
Un vieux bedeau me fit asseoir,
Un vieux bedeau vêtu de serge;
Et vers l’autel tout crevassé,
Entre deux drôles en galoches,
Le prêtre, oeil cave et front glacé,
Se hâtait, au bruit faux des cloches.
Pendant que, du fond de son coeur,
Il versait le flot des prières,
On entendait siffler en choeur
Tous les nids cachés dans les pierres.
Un pinson des plus étourdis
Mêlait, perché sur un saint-georges,
Aux sanglots du De profundis
La chanson des blés et des orges.
D’autres, malgré l’événement
De cette pompe mortuaire,
Se balançaient joyeusement
À la lampe du sanctuaire.
Et, changeant son rôle aujourd’hui,
Plein de caquets et de bruits d’aile,
Chaque pilier servait d’appui
À la maison d’une hirondelle.
Le pauvre confessionnal
Se cachait, triste et taciturne,
N’ayant plus à son tribunal
Que l’aveu du hibou nocturne.
Sur l’autel aux maigres décors,
Un grand christ oublié des masses
Montrait, tout le long de son corps,
Le baiser visqueux des limaces;
Et des insectes, étonnés
De ce tumulte avant dimanche,
Parmi les vieux bouquets fanés,
Se traînaient sur la nappe blanche,
Tandis qu’un frêne aux jets ardents,
Crevant la muraille entr’ouverte,
Pour voir ce qu’on fait là dedans,
Passait, en haut, sa tête verte!...
-Les trois femmes et le vieillard,
Agenouillés au fond de l’antre,
Répondaient d’un ton nazillard
Au fausset enroué du chantre.
Et je songeais au siècle fort
Où, loin du doute et des scandales,
De ce vieux temple à demi mort
Un peuple entier baisait les dalles.