IV
Non, c’est un rêve! C’est un rêve!
Le temps ne se retourne pas!
Dans sa main de glace il enlève
Toutes les choses d’ici-bas.
Rentrez en foule sous ces dalles,
Pour ne plus jamais revenir,
Spectres de moines à sandales
Dont ne veut plus notre avenir!
Croulez, nefs où sont les vertiges,
Et que la splendeur du ciel bleu,
O cierges, sur vos longues tiges
Fasse pâlir vos fleurs de feu!
Assez de nuit et de mensonge!
Assez de peuples à genoux!
Deux mille ans... c’est trop pour un songe!
Réveillons-nous, réveillons-nous!
Vent des monts aux bruyantes ailes,
Voisin des astres radieux,
Pousse, au fond des noires chapelles,
Ton air libre où meurent les dieux!
À moi glaïeuls, genêts, orties!
À l’assaut, les verts escadrons!
Plantez au dos des sacristies
Vos échelles de liserons!
Grimpez sans peur au mur qui penche,
Noirs mulots, lézards aux pieds froids;
Sifflez, pinsons! -c’est la revanche
Des prés, des ondes et des bois.
Et toi, la mère universelle;
Toi, la nourrice aux larges flancs,
Dont le lait pur à flots ruisselle
Du haut des cieux étincelants;
Toi, qui marches fière et sans voiles
Sur les cultes abandonnés,
Et, par pitié, dans tes étoiles
Caches les dieux découronnés;
Toi, qui réponds aux calomnies
Des aveugles niant le jour,
Par des tonnerres d’harmonies
Et des cataclysmes d’amour;
Toi, qui proposes dès l’enfance,
À notre faible humanité,
Pour symbole ta confiance,
Pour évangile ta beauté,
Entre, ô nature, avec ta joie,
Ton soleil et ton mouvement --
Et qu’on te laisse cette proie
À dévorer tranquillement!...