Abrutissement.
Les hommes sont si mauvais
Que, sans pleurer, je m’en vais
Du monde.
Pour la haine ou l’amitié
Je n’ai plus qu’une pitié
Profonde.
Au point de nous empester,
Chaque jour on voit monter
Les fanges.
Dans mon désespoir fougueux
Je ne crois pas plus aux gueux
Qu’aux anges.
J’ai souffert tant de tourments,
J’ai connu tant de serments
Frivoles,
Que j’évite avec grand soin,
Amour, les lieux où de loin
Tu voles!
Las d’aller, les bras pendants,
Des noirs coquins aux pédants
Moroses,
J’ai placé tout mon orgueil
À planter près de mon seuil
Des roses.
Je mange et je dors en chien
Plus rien de noble et plus rien
D’austère!
Comme d’un cruchon fêlé,
Mon esprit s’en est allé
Par terre.
Tout, d’ailleurs, en ce séjour,
Suit le maître, et par amour
L’imite;
Et la nature a lutté
Avec ma stupidité
D’ermite.
Les arbres de mon jardin
Penchent d’un air anodin
Leurs têtes;
Et les bêtes dans ma cour
Deviennent de jour en jour
Plus bêtes.
Juin 1869.