Jouissance.
Ode.
Enfin j' ay surmonté l' excessive rigueur
De celle qui tenoit mon esprit en langueur ;
Graces à mon destin je l' ay long-temps tenuë
Dans son lit toute nuë.
L' aube n' eut pas plustost fait éclatter le jour,
Que pour faire éclatter le feu de mon amour,
Et donner quelque tréve à ma peine cruelle,
Je visitay la belle.
Dés qu' elle m' apperceut, son aimable pâleur,
Signe d' un feu secret, prit une autre couleur ;
Les beaux lys dont son teint efface toutes choses,
Se changerent en roses.
Ses beaux yeux languissans me firent croire aussi
Que rien ne l' agitoit qu' un amoureux soucy,
Et que ma flâme ardente allumoit dans son ame
Une pareille flâme.
Lors je m' approchay d' elle, et luy dis à l' instant ;
Cloris pour qui mon coeur fait voeu d' estre
Constant,
Cessez de m' affliger, n' estes-vous point lassée
De ma peine passée ?
Depuis que le soleil illumine les cieux,
Vid-il jamais d' amant plus charmé de vos yeux,
Ny qui pour les aimer ait eu tant de martyre
Sous leur cruel empire ?
Elle admira mon zele, et ma ferme amitié,
Ses yeux virent mon mal, son coeur en eut pitié ;
Elle pencha sur moy les fleurs de son visage,
Et me tint ce langage.
Dafnis, mon cher Dafnis, j' excuse tes transports,
Doux tyran de mon coeur, je cede à tes efforts ;
Du mesme trait qui cause et ton mal, et ta plainte,
Ta maistresse est atteinte.
Le dieu qui t' a dompté, me surmonte aujourd' huy ;
Je m' abandonne à toy, je m' abandonne à luy ;
Ô bien-heureux amant, reçoy la recompense
De ta perseverance.
Ou punis mes rigueurs, ou ne t' en souviens plus ;
Soule toy des baisers dont je te fis refus ;
Et puis qu' amour le veut, reçoy la recompense
De ta perseverance.
Mais dans ce beau lien qui t' unit avec moy,
Conserve seulement mon honneur, et ta foy ;
Et tu meriteras la douce recompense
De ta perseverance.
Alors plein d' un desir qui n' a point de pareil,
Je saute dans le lit de ce divin soleil,
Où sans plus diferer, j' obtins la recompense
De ma perseverance.