Souvenir.
Sonnet 15.
Importun souvenir, tyran de ma pensée,
Ne m' as-tu pas encore assez persecuté ?
Dois-je tousjours penser à l' aimable beauté
Que je voudrois avoir de mon coeur effacée ?
Quand tu me ramentois cette saison passée
Où je cueillois le fruit de ma fidelité ;
Plus tu fais éclatter cette felicité,
Plus je meurs de regret de la voir éclypsée.
Tous les hommes font cas du sejour où je suis,
Mais l' excés de leur joye augmente mes ennuis,
Loin des riches appas dont Cloris est pourveuë.
Qu' amour a sur ses flots de flus et de reflus !
Eus-je bien autant d' heur joüissant de sa veuë,
Que je souffre de peine en ne la voyant plus ?