Les moissonneurs.
Sonnet 21.
Ô vous qui moissonnez la richesse éclatante,
Dont la blonde Ceres ces plaines tapissoit,
Que vous estes heureux, quand vostre main reçoit
Les agreables fruits de vostre longue attente !
Pour moy depuis le jour que d' une ardeur constante
J' adore la beauté dont l' humeur me déçoit ;
Tout mon temps se consume, et mon ame apperçoit
Qu' on ne songe à rien moins qu' à la rendre contente.
Amour, qui par ses yeux vins mon coeur assaillir,
Faut-il tousjours semer, et ne rien recueillir ?
Ha ! Qu' on n' a point à tort tes rigueurs condamnées !
Quant à moy je fais voeu de n' estre plus des tiens ;
Tu n' as sceu m' obliger en cinq longues années,
Et Cerés tous les ans récompense les siens.