Le mal adoucy.
Sonnet 83.
Favorable témoin de ma peine ordinaire,
Ogier que j' aime autant que je hais ma langueur,
Puis que loin des beaux yeux qui regnent sur mon coeur
Je ne voy rien icy qui ne me soit contraire.
Fuyons plus que la mort ce profane vulgaire,
Maintenant que les champs reprennent leur verdeur,
Que tout arbre fleurit, que l' air est plein d' ardeur,
Et que l' astre du jour rend sa flâme plus claire.
La ville me déplaist, et le monde me nuit,
La campagne est pour moi sans contrainte, et sans bruit,
J' y fuis l' obscurité pour suivre la lumiere.
Et comme jusqu' aux champs je porte mon amour.
Le soleil m' y paroist si beau dans sa carriere,
Qu' il abrege ma peine, en prolongeant le jour.