Le silence amoureux.
Sonnet 5.
Beauté que mon coeur aime, et que mon esprit louë,
Ouvrage que les dieux pour eux-mesmes ont fait,
Brillant phare d' amour, mais funeste en effet,
Noble et vivant escueil où mon espoir s' échouë.
Je cele mon tourment, il faut que je l' avouë ;
Un feu ne me plaist pas lors qu' il n' est pas secret ;
Je fais cas d' un amant, mais d' un amant discret,
Qui cherit sa maistresse, et jamais ne la joüe.
Regardez les ennuis que j' ay pour vous aimer ;
Je puis bien les sentir, et non les exprimer ;
Comme vostre beauté, ma peine est sans seconde.
Les petites douleurs parlent eloquemment ;
Mais quand le mal est vif, et la playe est profonde,
La souffrance muette est la voix d' un amant.