À Florice.
Stances.
Doncque tant de beaux vers, tant de charmes si doux,
Tant de souspirs mourans, et tant de vives plaintes,
Auront, fiere beauté, tant d' empire sur nous,
Et tu ne seras pas sensible à leurs atteintes.
Penses y bien, Florice ; un si fidele amant
Qui malgré tes mépris, tes loüanges medite ;
Merite qu' on luy face un meilleur traittement,
Puis qu' on doit bien traitter les hommes de merite.
Quel sera ton regret alors que quelque jour
On dira que tu fus moins belle qu' inhumaine ?
Et qu' à ceux qui devoient obtenir ton amour,
Tu faisois ressentir ta rigueur, et ta haine ?
On ne doit pas pour tous de l' ardeur concevoir,
Il ne faut pas aussi qu' à tous on en dénie ;
Car comme l' un resiste aux reigles du devoir,
L' autre tient de l' orgueil, ou de la tirannie,
Pratique les vertus de la divinité ;
Quoy qu' elle range tout sous son obeïssance,
Elle aime mieux pourtant qu' on chante sa bonté,
Que sa vaste grandeur, et sa toute puissance.
Repens-toy donc, Florice, et par un doux accueil
De ton fidele amant appaise le martire ;
C' est trop de cruauté de le mettre au cercueil,
Luy qui par ses escrits pour jamais t' en retire.
Cette rare faveur obligera ses vers
À publier un jour hautement par le monde,
Que ta douceur n' a point d' égale en l' univers,
Non plus que ta beauté n' eut jamais de seconde.