Le nénuphar
Le marais s'étend là, monotone et vaseux,
Plaine d'ajoncs rompus et de mousses gluantes,
Immonde rendez-vous où mille êtres visqueux
Croisent obscurément leurs légions fuyantes.
Or, parmi ces débris de corruptions lentes,
On voit, immaculé, splendide, glorieux,
Le nénuphar dresser sa fleur étincelante
Des blancheurs de la neige et de l'éclat des cieux.
Il surgit, noble et pur, en ce désert étrange,
Écrasant ces laideurs qui le montrent plus beau,
Et, pour lui faire un lit sans tache en cette fange,
Ses feuilles largement épandent leur rideau,
Et leur grand orbe vert semble être, au fil de l'eau,
Un disque d'émeraude où luit une aile d'ange.