Au même.
Paris, 12 septembre 1876.
Mon cher Joseph,
J'ai quitté Bordeaux mercredi soir, à minuit. Il faisait
chaud comme dans le mois d'août, le thermomètre avait
marqué 29° dans la journée. Aussi ai-je peu dormi; dans mon
compartiment se trouvaient trois religieuses, un prêtre, un
courtier en vins de Bordeaux, avec sa femme. Nous avons
fait très bon ménage. Le matin, les religieuses, qui avaient
apporté un plein grand panier de raisins, etc., nous firent part,
avec la meilleure grâce du monde, de leur provision de fruits.
Nous déjeunâmes à Tours, où nous arrivâmes à dix heures et
demie, jeudi matin; puis le train de onze heures et demie nous
emporta vers Paris, après que nous eûmes dit adieu aux
religieuses et au prêtre, qui se dirigeaient sur le Mans.
Le ciel qui, de Bordeaux aux bords de la Loire, avait
toujours été d'une sérénité admirable, s'est couvert aussitôt
que nous avons eu quitté Tours. En arrivant à Orléans, nous
avons été accueillis par un orage à grand orchestre. Entre
Étampes et Paris, le tonnerre n'a cessé de gronder et la pluie
de tomber à jet continu. A dix heures, j'étais rendu à mon
ancienne maison, no 10 bis, Passage Laferrière. Après avoir
dîné à mon petit restaurant de la Bourse, où j'ai mangé avec
grand plaisir du roastbeef cuit au beurre, au lieu de cette
infernale graisse qui forme la base de la cuisine du Midi, je
me suis rendu au no 4 bis, rue Vivienne, où j'ai trouvé ta
lettre du 26 août et les journaux.
M. Bossange m'a offert d'aller passer, aux mêmes
conditions qu'à Bordeaux, trois ou quatre mois au Havre,
pour remplacer un employé qui va faire un voyage aux
Antilles. Naturellement j'ai accepté, bien que cela ne
m'amuse pas du tout. Mais, dans la position où je suis, je n'ai
pas le droit de refuser du travail. Je quitterai Paris le 14,
après-demain.
Tu voudras donc bien adresser la réponse à la présente et
tes lettres suivantes, 51, quai d'Orléans, Havre, Seine-
Inférieure.
A la semaine prochaine.
A sa mère.
Paris, 22 janvier 1877.