A la mort d'Octave Crémazie, son frère Joseph reçut de
M. Malandain, propriétaire d'un hôtel au Havre, la lettre
suivante, qui renferme tous les renseignements que l'on
possède sur la dernière maladie et la mort du poète.
Sa pauvre mère eut la douleur de lui survivre quelques
mois.
Havre, 26 février 1879.
A Monsieur Joseph Crémazie, Québec.
Monsieur.
Je regrette de ne pas vous avoir écrit à la mort de M.
Fontaine, votre parent, M. Bossange s'en était chargé.
Connaissant les relations d'amitié et de parenté qui existaient
entre vous et le cher défunt, il devait vous donner tous les
détails de ses derniers jours.
M. Jules Fontaine est tombé malade le 11 janvier; le
docteur, appelé aussitôt, l'a trouvé dans un état alarmant.
Deux jours après, il a reconnu une péritonite très prononcée.
Comme je connaissais les sentiments religieux du malade,
j'ai cru bien faire que d'appeler un prêtre: il a été confessé et
a reçu les derniers sacrements. Il s'est affaibli de plus en plus
et a expiré une demi-heure après, le 16 janvier, à onze heures
du matin, dans les bras du prêtre, qui était encore là,
attendant un moment de mieux pour lier conversation avec
lui, car il le savait d'un grand esprit.
Je ne crois pas qu'il se soit vu mourir. Il a été frappé
mortellement et n'a souffert que les deux premiers jours.
Après cela, il se croyait toujours mieux.
Soyez persuadé, monsieur, qu'à l'exception de la famille,
il ne lui a rien manqué: tous les soins lui ont été prodigués.
Depuis le mois de novembre 1877 que ce digne homme
était dans notre maison, il était devenu un ami pour nous: son
caractère juste et droit le faisait estimer de tous.
Je me suis fait un devoir, avec M. Regnault, de lui fournir
un petit convoi digne de lui: quarante personnes environ pour
l'escorter jusqu'à sa dernière demeure.
Comme vous devez le savoir, il devait retourner à Paris
vers le mois de décembre. Par suite de quelque affaire de
commerce, il avait retardé son départ jusqu'au 17 janvier, et,
le jour qu'il m'a chargé de vous écrire, c'est-à-dire, une
journée avant sa mort, il vous faisait dire de lui adresser vos
lettres au Havre, comme par le passé, me disant qu'il resterait
encore un bon mois avec nous, afin de se bien rétablir.
Je vous donne, monsieur, tous ces renseignements dans
l'espoir qu'ils vous seront précieux, et je suis toujours à votre
disposition pour toutes les autres informations qui pourraient
vous étre utiles.
J'ai l'honneur de vous saluer,
MALANDAIN.
rue Bernardin-de-Saint-Pierre, 19.