ECRITS NON PUBLIE DANS L'EDITION ORIGINALE
Cette lettre a paru dans les Nouvelles soirées canadiennes
en 1882 avec la note suivante : « Monsieur G. a bien voulu
nous permettre de prendre copie de la lettre qui précède, et
que nous croyons devoir publier au moment où l'on est à
réunir, pour en faire un volume, toutes les oeuvres de notre
malheureux poète. »
CHER MONSIEUR G...
Je viens vous offrir l'expression de ma profonde
reconnaissance pour la part que vous avez bien voulu prendre
dans la démarche que les amis de ma famille ont faite pour
me faire ouvrir les portes de la patrie.
Mes frères m'ont appris que vous aviez pris la peine de
faire signer la requête que l'on présente pour moi au
gouvernement canadien. Pour cette nouvelle et touchante
preuve de votre sympathie, recevez mes plus sincères
remercîments. Quel que soit le résultat de la tentative que
l'on fait auprès des ministres, je me souviendrai toujours que
vous avez travaillé avec ardeur à mettre un terme aux jours
de mon exil. Votre voix et celles de vos amis trouveront-elles
un accueil favorable? Je le désire de toute mon âme, sans
oser l'espérer.
Dieu seul sait ce que l'avenir me réserve, et j'attends avec
résignation ce que la providence décidera de moi.
Sir G. E. Cartier devant partir pour l'Angleterre, il est
probable, que pendant son absence, le conseil ne s'occupera
pas de la requête. Je ne crois pas que le cabinet d'Ottawa
nous donne une réponse avant le mois de janvier. J'ai donc
quatre mois à vivre dans un état d'anxiété que vous
comprendrez facilement. Enfin, que la volonté de Dieu soit
faite!
Il y aura six ans le 11 novembre prochain que j'ai quitté le
pays. Elles ont été bien longues et bien tristes ces six
mortelles années! Depuis que j'ai dit à Québec cet adieu
navrant que je croyais éternel, le Canada a vu bien des
changements. Vous avez un nouveau gouvernement, et la
ville de Champlain est redevenue capitale. Vous avez cinq ou
six baronnets et Sirs, dont deux Canadiens-français.
Marchant sur les traces de l'Académie française,
l'Université Laval a ouvert, depuis deux ans, un concours de
poésie... Si j'ai le bonheur de revoir le ciel natal, je trouverai
bien des choses changées, mais ce que je retrouverai telle
qu'elle était autrefois, ce sera votre vieille amitié qui vient de
se montrer si active et si dévouée.
Votre bien reconnaissant.
OCTAVE CRÉMAZIE.
octobre 1868.