IV
Ainsi, lorsque aux beaux jours de Florence et de Rome,
Plein d'amour pour les arts, quelque pâle jeune homme
Venait chez Raphaël dire à Jules Romain:
"Maître, je viens apprendre à peindre sous ton maître!..."
Jules, sans dire un mot, lui montrait de la main
L'autre au pied de sa toile, où commençait peut-être
A sortir lentement des ombres du néant
La tête d'une vierge ou la main d'un enfant.
"Silence, disait-il, le maître est à l'ouvrage!"
Et le nouveau venu s'arrêtait, admirait.
Formé dans son école au simple apprentissage
De suivre son modèle, en rendant trait pour trait,
Et de ne s'attacher qu'à des lignes fidèles:
"Comment donc, disait-il, comment fait celui-ci?
Il n'a pas un crayon, pas un trait devant lui;
Il regarde les cieux; où donc sont ses modèles!..."
Et tandis que le peintre, autour des lourds arceaux,
Sur le marbre divin promenant ses pinceaux,
Semait assidûment la lumière et la vie,
L'écolier, méprisant sa jeunesse endormie,
Répétait: "Qu'ai-je fait? Insensé, qu'ai-je fait?
Malheur à moi! Trop tard j'ai connu l'Italie!
Mes beaux jours sont perdus!..." Alors, dans sa folie,
Il brisait ses pinceaux sur le marbre et fuyait...