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 Alfred De Musset (1810-1857) L'oubli des injures Fragments I

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MessageSujet: Alfred De Musset (1810-1857) L'oubli des injures Fragments I   Alfred De Musset (1810-1857) L'oubli des injures Fragments I Icon_minitimeLun 27 Aoû - 0:25

L'oubli des injures
Fragments.
I will be found most cunning in my patience
But (dost thou hear?) most bloody.
Shakespeare.
I
Mon fils, mon pauvre fils! cria la vieille mère,
Lorsque Renaud rentra. Son front sous la poussière
Ruisselait; il frappa du pied sur le pavé,
Et grommela tout bas: Je ne l'ai point trouvé.
- Hélas! mon pauvre fils, la nuit vous est fatale!
Mon Georges! mon enfant! Voici bientôt deux jours
Que tu nous as quittés! - (Elle le vit si pâle
Qu'elle fut sur le point d'appeler du secours.)
Laisse-moi seul, dit-il. La vieille tout en larmes
Suppliait: Je vous dis, reprit le montagnard,
Que vous vous retiriez. S'avançant vers ses armes,
Aussitôt qu'il fut seul, il saisit son poignard.
- Ami, viens, lui dit-il. Viens! que ta froide lame
Glisse sur mon sein nu! tu me guériras mieux
Que des vins sans chaleur ou que des cris de femme;
Viens sur mon coeur, et là, reste silencieux.
Nous sommes offensés. - Offensés? Vas-tu dire,
Oui, d'hier, le seul jour où tu m'abandonnas.
L'outrage fut cruel, et suivi d'un sourire;
Je frappai ma poitrine et ne t'y trouvai pas.
O mon vieux compagnon, quelle horrible journée!
Mais te voilà! Voilà ta place accoutumée
Où tu dors, suspendu comme un saint crucifix.
Pourras-tu me venger? Peut-être tu souris
De me voir abattu pour un jour de voyage.
Tel est l'homme! Bien plus, au moment de l'outrage
Je demeurai muet, je ne sais pas comment,
Comme un homme enivré, qu'on peut impunément
Blesser dans son sommeil. Mais quand, par son absence
L'offenseur m'eut laissé seul avec son offense,
La vipère engourdie à l'air glacé des nuits
Déroula dans mon coeur ses anneaux infinis.
Depuis ce jour, ami, j'erre dans ces prairies.
Je veux servir un plat d'injure refroidies;
Partout, comme un valet, je le porte à la main.
Mais hier j'étais seul; nous serons deux demain.
Le lâche peut attendre (horrible patience)
Que l'oubli, ce vieillard au coeur vide et glacé,
Se traîne à son chevet et que la conscience
Meure comme un écho dans la nuit du passé!
Alors sous les baisers affreux de la vieillesse
[Il se peut que du front la tache disparaisse].
C'est ce qu'il faut laisser à ces bouffons sans coeur
Chez qui la dignité, le courage et l'honneur
Ne sont qu'un masque vil que l'humble hypocrisie
Promène sur le vain théâtre de la vie!
Mais qui, mal fixé tremble, et que la passion
Peut faire à chaque instant tomber dans l'action.
Pour moi, tu me suivras avant la nuit venue;
Trouver un ennemi ne saurait être long!
N'est-il plus ici-bas d'heure? L'occasion,
Cette prostituée, est-elle devenue,
A force de vieillir, maigre et chauve à ce point
Qu'on ne puisse une fois la saisir par derrière?
Ou le casque d'airain, qui lui sert de visière
Au tranchant du poignard ne s'ouvrira-t-il point?
Ton acier glacial et ta forme terrible,
O fidèle stylet, rafraîchissent mon sang.
Nous verrons. Ta poignée est ferme et l'insolent
N'a pas reçu d'hier le don d'être invisible.
Autrefois le pardon fut connu des humains.
L'offenseur demandait grâce pour son offense;
L'offensé l'accordait et Dieu joignait leurs mains.
Mais la vengeance, Ami, la muette vengeance,
Fut et sera toujours le seul fleuve d'oubli,
Dont l'abîme jamais n'ait laissé reparaître
Un cadavre une fois sous l'onde enseveli.
Reste en paix sur mon coeur jusqu'au temps de l'Epreuve;
Reste, ô mon compagnon, et quand ce temps viendra,
Sors pareil à l'éclair, afin que je m'abreuve
D'une onde où pour longtemps ta soif s'apaisera.
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Alfred De Musset (1810-1857) L'oubli des injures Fragments I
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