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 Alfred De Musset (1810-1857) L'oubli des injures Fragments II

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MessageSujet: Alfred De Musset (1810-1857) L'oubli des injures Fragments II   Alfred De Musset (1810-1857) L'oubli des injures Fragments II Icon_minitimeLun 27 Aoû - 0:27

II
L'ouragan nuit et jour, sur une eau désolée,
Bat cette âpre forêt, qui pend échevelée.
De loin elle ressemble à ces grands éperviers
Qu'on voit se balancer au vent sur les graviers.
Jamais en aucun temps, jamais bois plus funèbres
N'ont sur une eau plus morte épaissi leurs ténèbres.
Rien ne bouge à l'entour, si ce n'est par instant
Des hérons voyageurs qui pêchent dans l'étang,
Ou quelque truie (?) horrible, au revers d'un roc sombre.
Son ombre, c'est la nuit; et son soleil, c'est l'ombre.
Là, veille un assassin... C'est Renaud!... Il attend.
Son âme est une nuit profonde où sa colère
Brûle comme une lampe ardente et solitaire.
Il mord en blasphémant son bras couvert de sang.
Mais ce sont les cailloux, les ronces des montagnes
Qui déchirent ses bras, et ce sang est le sien.
En vain depuis ce (?) jour, il traque ces campagnes
Hier, comme un chasseur, aujourd'hui comme un chien.
Malheur, dit-il, j'ai faim! Voici la nuit venue
Les loups en gémissant sortent du bois profond.

A moi, vieux florentin! Viens, que ta froide lame
Glisse sur mon sein nu. Tu m'exciteras mieux
Que des vins sans chaleur ou que des cris de femme;
Viens sur mon coeur et là, reste silencieux.
Nous sommes offensés. Offensés, vas-tu dire.
Oui, par Brenna, le jour où tu m'abandonnas.
L'outrage fut cruel, et suivi d'un sourire;
Je frappai ma poitrine et ne t'y trouvai pas.
Ce ne fut que le soir de la même journée
Que je pus retrouver la place accoutumée
Où tu dors suspendu comme un saint crucifix.
O mon vieux compagnon, je te dis mon histoire
Et puis je te criai: peux-tu de ma mémoire
Effacer cette page et tu me le promis.
Aujourd'hui donc un mot qui me l'a rappelée
Me fait te répéter cette promesse, ami.
L'injure que déjà le temps avait rouillée
S'est rajeunie. - Allons, peut-être as-tu souri,
De me voir étendu comme un enfant sans vie.
Je suis sans aucun doute à l'instant redouté
Où le génie humain rencontre la Folie.
Ils luttent corps à corps sur un roc escarpé
Où le génie arrive après un long voyage
Et sur le haut duquel son ennemi l'attend:
Ils y montent tous deux, mais un seul redescend.
Donne-moi ton conseil, précipité, mais sage.
Qui connaît mieux que toi les décrets inouïs
De la mystérieuse et pâle Némésis?
Tu ne fus point surpris, ô fidèle interprète,
D'apprendre que ma haine en ce fatal moment
(Au moment de l'outrage) avait été muette,
Comme un homme enivré, qu'on peut impunément
Blesser dans son sommeil. Mais quand par son absence
Ce Brenna m'eut laissé tout seul avec l'offense,
La vipère engourdie à l'air glacé des nuits
Déroula dans mon coeur ses anneaux infinis.
Depuis ce jour, en vain, j'ai fouillé ces montagnes,
Et d'un lâche partout j'ai promené les traits;
Il ne vient plus. A peine, au loin dans ces campagnes
Ai-je entendu son cor appeler ses valets.
Ah! me faudra-t-il donc (horrible patience)
Attendre que l'oubli, ce spectre au coeur glacé,
Se traîne à mon chevet, et que la conscience
Meure comme un écho dans la nuit du passé?
Alors sous les baisers affreux de la vieillesse
S'éteindra par degrés la tache de mon front.
Quand je demanderai: voit-on qu'elle paraisse?
Les uns auront pitié, les autres souriront.
Eblis! Esprit vengeur! Si ton histoire est vraie
Ta cause était la bonne et Dieu seul fut méchant.
Tu me consoleras, Esprit des Nuits! - Pourtant
Qui posera jamais le doigt sur cette plaie?
Le pardon d'une offense était connu jadis.
[Mais la vengeance, amis,] ne croit qu'en la vengeance.
Un cadavre une fois dans l'onde enseveli,
Ne surnage jamais sur ce fleuve d'oubli.
Héloïse! autrefois, maîtresse de mon être
O ma femme et ma soeur, que ton bonheur est grand!
Ton beau corps, comme un Dieu d'albâtre transparent
Dans sa fraîcheur première, hélas! sitôt ravie
A conservé cette eau limpide de la vie
Qui se trouble si vite et qu'un souffle (à jamais)
Empoisonne et détruit, comme un affreux marais.
Et ton époux, ô ciel! Que sera son histoire?
Si les hommes jamais en gardent la mémoire
On dira qu'il était de ces bouffons sans coeur
Chez qui la dignité, le courage et l'honneur
Ne sont qu'un masque vil que l'humble hypocrisie
Promène sur le vain théâtre de la vie;
Mais qui, mal fixé, tremble et que la passion
Peut faire à chaque instant tomber dans l'action.
Oui, certes, cette histoire un jour sera connue.
N'est-il donc plus pour moi d'heure? - L'occasion,
Cette prostituée, est-elle devenue
A force de vieillir, maigre et chauve à ce point
Qu'on ne puisse une fois la saisir par derrière?
[Ou le casque d'airain, qui lui sert de visière]
Au tranchant du poignard ne s'offrira-t-il point?
O Destin! Des humains les innombrables faces
Du sein de la poussière où sont marqués leurs pas,
Pour entendre ta voix se lèvent quand tu passes;
Mais toi, sphinx éternel, tu ne leur réponds pas!
Ton acier glacial et ta forme terrible,
O fidèle stylet, rafraîchissent mon sang;
Et ton aspect m'arrache à ce monde invisible
Dont nul être mortel n'approche impunément.
Reste en paix sur mon coeur jusqu'au temps de l'épreuve.
Reste silencieux, et quand ce temps viendra
Sois pareil à l'éclair, afin que je t'abreuve
D'une onde où pour longtemps ta soif s'apaisera.
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Alfred De Musset (1810-1857) L'oubli des injures Fragments II
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