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 Gérard De Nerval (1808-1855) Lettres à Aurélia VII

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Inaya
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Inaya


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Gérard De Nerval (1808-1855) Lettres à Aurélia  VII Empty
MessageSujet: Gérard De Nerval (1808-1855) Lettres à Aurélia VII   Gérard De Nerval (1808-1855) Lettres à Aurélia  VII Icon_minitimeJeu 30 Aoû 2012 - 23:24

VII

Vous vous trompez, Madame, si vous pensez que je vous oublie ou que je me
résigne à être oublié de vous. Je le voudrais, et ce serait un bonheur pour vous
et pour moi sans doute; mais ma volonté n'y peut rien. La mort d'un parent, des
intérêts de famille ont exigé mon temps et mes soins, et j'ai essayé de me
livrer à cette diversion inattendue, espérant retrouver quelque calme et pouvoir
juger enfin plus froidement ma position à votre égard. Elle est inexplicable;
elle est triste et fatale de tout point; elle est ridicule peut-être; mais je me
rassure en pensant que vous êtes la seule personne au monde qui n'ayez pas le
droit de la trouver telle. Vous auriez bien peu d'orgueil, si vous vous étonniez
d'être aimée à ce point et si follement.
Madame, je vous avais obéi; j'avais attendu pour vous voir le jour où tout le
monde en a le droit. J'ai changé d'idée.
Oh! si j'ai réussi à mêler quelque chose de mon existence dans la vôtre; si
toute une année je me suis occupé de vous préparer un triomphe; s'il y a à moi,
toutes à moi, quelques journées de votre vie, et, malgré vous, quelques-unes de
vos pensées, n'était-ce pas une peine qui portait sa récompense avec elle? Dans
cette soirée où je compris toutes les chances de vous plaire et de vous obtenir,
où ma seule fantaisie avait mis en jeu votre valeur et la livrait à des hasards,
je tremblais plus que vous-même. Eh bien, alors même, tout le prix de mes
efforts était dans votre sourire. Vos craintes m'arrachaient le coeur. Mais avec
quel transport j'ai baisé vos mains glorieuses! Ah! ce n'était pas alors la
femme, c'était l'artiste à qui je rendais hommage. Peut-être aurais-je dû
toujours me contenter de ce rôle et ne pas chercher à faire descendre de son
piédestal cette belle idole que jusque-là j'avais adorée de si loin.
Vous dirai-je pourtant que j'ai perdu quelque illusion en vous voyant de plus
près? Non!... mais, en se prenant à la réalité, mon amour a changé de caractère.
Ma volonté, jusque-là si nette et si précise, a éprouvé un moment de vertige. Je
ne sentais pas tout mon bonheur d'être ainsi près de vous, ni tout le danger que
je courais à risquer de ne pas vous plaire. Mes projets se sont contrariés. J'ai
voulu me montrer à la fois un homme sérieux et timide, un homme utile et
exigeant, et je n'ai pas compris que les deux sentiments que je voulais exciter
ensemble se froisseraient dans votre coeur. Plus jeune, je vous eusse touchée
par une passion plus naïve et plus chaleureuse; plus vieux, j'aurais su mieux
calculer ma marche, étudier votre caractère et trouver à la longue les secrets
que vous me cachez.
Si je vous fais un aveu si complet, c'est que je vous sais digne de comprendre
un esprit trop singulier pour être saisi tout d'abord, trop fier pour se livrer
lui-même, sans garantie et sans espoir...
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