II
Vous voyez que j'ai étudié votre lettre et qu'enfin je l'ai comprise. Que je la
trouve bonne et douce quand je songe à mes torts envers vous! Mais qu'elle est
raisonnable, qu'elle est prudente! vous étiez bien calme en l'écrivant. Je vous
en remercie toutefois, puisqu'elle me laisse encore un faible et dernier espoir!
Ah! pauvre chère lettre! c'est jusqu'ici le seul trésor de mon amour: ne m'ôtez
pas l'illusion qui me fait voir en elle une faveur bien grande, un gage
inappréciable de votre bonté!
Ah! Madame, ne craignez pas de me voir désormais. Vous le savez, je suis timide
en face de vous. Votre regard est pour moi ce qu'il y a de plus doux et de plus
terrible; vous avez sur moi tout pouvoir, et ma passion même n'ose en votre
présence s'exprimer que faiblement. Je vous ai dit mes souffrances avec le
sourire sur les lèvres, de peur de vous effrayer; je vous ai raconté avec calme
des choses qui me tenaient tellement au coeur qu'il me semblait que j'en
arrachais des fibres en vous parlant. Je faisais ainsi la parodie de mes propres
émotions, Il me semblait qu'il était question d'un autre, et que je vous disais:
Voyez ce rêveur, cet insensé, qui vous aime si follement.
Ne redoutez rien de ma présence et de mes paroles, j'ai su calmer enfin des
agitations, des inégalités qu'il vous a été plus facile de comprendre que
d'excuser peut-être; j'ai appris à redevenir courageux et patient, je ne veux
plus compromettre en quelques instants toutes les chances d'une destinée, et je
me dis que, dans l'affection que je vous crie, il y a trop de passé pour qu'il
n'y ait pas beaucoup d'avenir!