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 Gérard De Nerval (1808-1855) Lettres à Aurélia IX

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Inaya
Plume d'Eau
Inaya


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Gérard De Nerval (1808-1855) Lettres à Aurélia  IX Empty
MessageSujet: Gérard De Nerval (1808-1855) Lettres à Aurélia IX   Gérard De Nerval (1808-1855) Lettres à Aurélia  IX Icon_minitimeJeu 30 Aoû - 23:26

IX

Ah! Ma pauvre amie, je ne sais quels rêves vous avez faits; mais moi, je sors
d'une nuit terrible. Je suis malheureux par ma faute, peut-être, et non par la
vôtre; mais je le suis. Oh! peut-être vous avez eu déjà quelques bonnes
intentions pour moi; mais je les ai laissé perdre et je me suis exposé à votre
colère un jour. Grand Dieu! Excusez mon désordre, pardonnez-moi les combats de
mon âme. Oui, c'est vrai, j'ai voulu vous le cacher en vain, je vous désire
autant que je vous aime; mais je mourrais plutôt que d'exciter encore une fois
votre mécontentement.
Oh! Pardonnez! je ne suis pas un [?], moi; depuis trois mois, je vous suis
fidèle, je le jure devant Dieu! Si vous tenez un peu à moi, voulez-vous
m'abandonner encore à ces vaines ardeurs qui me tuent? Puisque je vous avoue
tout cela pour que vous songiez plus tard (car je vous l'ai dit, quelque espoir
que vous ayez bien voulu me donner, ce n'est pas à un jour fixé que je voudrais
vous obtenir); mais arrangez les choses pour le mieux. Ah! je le sais, les
femmes aiment qu'on les force un peu; elles ne veulent point paraître céder sans
contrainte. Mais songez-y, vous n'êtes pas pour moi ce que sont les autres
femmes; je suis plus peut-être pour vous que les autres hommes; sortons donc des
usages de la galanterie ordinaire. Que m'importe que vous ayez été à d'autres,
que vous soyez à d'autres peut être!
Vous êtes la première femme que j'aime et je suis peut-être le premier homme qui
vous aime à ce point. Si ce n'est pas là une sorte d'hymen que le ciel bénisse,
le mot amour n'est qu'un vain mot! Que ce soit donc un hymen véritable où
l'épouse s'abandonne en disant: C'est l'heure!... Il y a de certaines façons de
forcer une femme qui me répugnent. Vous le savez, mes idées sont singulières; ma
passion s'entoure de beaucoup de poésie et d'originalité; j'arrange volontiers
ma vie comme un roman, les moindres désaccords me choquent et les mauvaises
manières que prennent les hommes avec les femmes qu'ils ont possédées ne seront
jamais les miennes. Laissez-vous aimer ainsi; cela aura peut-être quelques
douceurs charmantes que vous ignorez. Ah! ne redoutez rien, d'ailleurs, de la
vivacité de mes transports! Vos craintes seront toujours les miennes et de même
que je sacrifierais toute ma jeunesse et ma force au bonheur de vous posséder,
de même aussi mon désir s'arrêterait devant votre réserve, comme il s'est arrêté
si longtemps devant votre rigueur.
Ah! ma chère et véritable amie, j'ai peut-être tort de vous écrire ces choses,
qui ne peuvent se dire d'ordinaire qu'aux heures d'enivrement. Mais je vous sais
si bonne et si sensible que vous ne vous offenseriez pas de paroles qui ne
tendent qu'à vous faire lire encore plus complètement dans mon coeur. Je vous ai
fait bien des concessions; faites-m'en quelques-unes aussi. La seule chose qui
m'effraie serait de n'obtenir de vous qu'une complaisance froide, qui ne
partirait pas de l'attachement, mais peut-être de la pitié. Vous avez reproché à
mon amour d'être matériel; il ne l'est pas, du moins dans ce sens! Que je ne
vous possède jamais si je ne dois avoir dans les bras qu'une femme résignée
plutôt que vaincue. Je renonce à la jalousie; je sacrifie mon amour-propre; mais
je ne puis faire abstraction des droits secrets de mon cœur sur un autre. Vous
m'aimez, oui, moins que je ne vous aime sans doute; mais vous m'aimez, et, sans
cela, je n'aurais pas pénétré avant dans votre intimité. Eh bien! vous
comprendrez tout ce que je cherche à vous exprimer ici: autant cela serait
choquant pour une tête froide, autant cela doit toucher un coeur indulgent et
tendre.
Un mouvement de vous m'a fait plaisir, c'est que vous avez paru craindre un
instant, depuis quelques jours, que ma constance ne se fût démentie. Ah!
rassurez-vous! J'ai peu de mérite à la conserver: il n'existe pour moi qu'une
seule femme au monde!
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Gérard De Nerval (1808-1855) Lettres à Aurélia IX
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