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 Gérard De Nerval (1808-1855) Lettres à Aurélia XIX

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Inaya
Plume d'Eau
Inaya


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Gérard De Nerval (1808-1855) Lettres à Aurélia XIX Empty
MessageSujet: Gérard De Nerval (1808-1855) Lettres à Aurélia XIX   Gérard De Nerval (1808-1855) Lettres à Aurélia XIX Icon_minitimeJeu 30 Aoû - 23:33

XIX

Madame, puisque le malheur veut qu'une circonstance insignifiante vienne tout à
coup m'arracher à ce peu de calme que j'avais retrouvé enfin et qui me servait à
préparer l'avenir, puisque tout un passé qu'il fallait oublier revient gronder à
mes oreilles et me rapporter à la fois ses émotions et son vertige, écoutez donc
quelques mots encore et vous y gagnerez peut-être des mois de résignation et de
silence de ma part.
Que vous ayez, en un seul jour, oublié tant de dévouement, dont vous aviez des
preuves, tant de loyauté et de bonne foi qui se trahissaient dans mes moindres
rapports, que vous ayez même flétri d'un doute une proposition qui honorait mon
coeur, même en admettant que mon amour-propre en eût mis trop haut l'importance,
- je ne vous en veux pas, j'accepte cette punition cruelle d'une imprudence
probable dont j'ai peine à me rendre compte même aujourd'hui... Mais je ne vois
dans tout cela rien d'irréparable. Je ne suis coupable d'aucun de ces crimes
qu'une femme ne peut pardonner et, vous l'avouerai-je, l'excès même de votre
ressentiment m'a découragé moins que n'eût fait le dédain d'une âme
indifférente. J'aurais perdu tout espoir si vous m'eussiez quitté par ennui, par
fatigue, ou par la diversion d'un autre attachement; mais rien de tout cela! Mon
amour a été tranché dans le vif; il y a une blessure et non une plaie. Je ne
puis me rappeler ce jour fatal sans penser à la veille, si belle et si enivrante
qu'il eût fallu mourir après. Mon Dieu! notre pauvre lune de miel n'a guère eu
qu'un premier quartier... et vous me connaissez si peu encore, que vous ne
m'avez ni bien compris jusqu'ici, ni bien jugé. Vos injustices en seraient une
preuve déjà. Oh! daignez interroger votre coeur et vous vous direz qu'il y a
malgré tout quelque chose qui bat encore pour moi, que tous ces hommes qui vous
ont entourée depuis quelque temps sont plus riches et plus beaux, mais n'ont pas
cette âme, cet esprit même que vous aviez su distinguer, qu'ils sont frivoles
surtout et aussi incapables d'aimer que de sentir en eux l'ambition des grandes
choses. Ah! l'amour et l'art nous réuniront malgré tout! Vous sentirez que
toutes ces relations brillantes laissent un côté vide dans le coeur, que c'est
beaucoup d'avoir rencontré un ami fidèle, soumis, dont l'affection se conserve
pure, à travers toutes sortes d'amertumes. Pourquoi vous risqueriez-vous à
choisir quelque autre que moi? Je sais vos habitudes; vous pouvez me rendre
prudent par beaucoup de confiance. Quel intérêt aurais-je à vous compromettre
aujourd'hui? Je sais maintenant de quoi il faudra se garder et je tiens,
d'ailleurs, à m'isoler de plus en plus, à vivre tout à fait pour vous. Ce n'est
pas difficile pour qui ne pense qu'à vous seule... Eh bien! vous me verriez
aussi rarement qu'il vous plairait. Nous trouverions les précautions les plus
sûres. Puisque vous avez tant à craindre, votre secret sera sous la garde de mon
honneur. Mais j'ai besoin de vous voir un peu de temps en temps, de vous voir à
tout prix; je vous ai aperçue hier et vous étiez si belle, vous aviez l'air si
doux!... J'ai retrouvé dans vos traits quelque chose de cette expression de
bonté qui me charmait tant, quand vous m'étiez favorable.
Ah! cruelle femme, ne dites pas que vous ne m'avez pas aimé! autrement, vous
auriez été bien trompeuse! Si vous m'aimiez, vous m'aimez toujours. Vous êtes
touchée de cette passion qui survit à tout, qui garde pour elle toute
l'humiliation et tout le malheur et qui vous laisse à vous toute liberté, toute
fantaisie, qui ne se plaint pas même de votre inconstance, mais seulement de
votre injustice...
Vous serez bien avancée quand vous m'aurez fait mourir! Que diriez-vous, si
j'allais me tuer, comme D...!
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Gérard De Nerval (1808-1855) Lettres à Aurélia XIX
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