PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Denis Diderot. (1713-1784) NAISSANCE DE MANGOGUL.

Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité




Denis Diderot. (1713-1784) NAISSANCE DE MANGOGUL. Empty
MessageSujet: Denis Diderot. (1713-1784) NAISSANCE DE MANGOGUL.   Denis Diderot. (1713-1784) NAISSANCE DE MANGOGUL. Icon_minitimeLun 3 Sep - 10:34


CHAPITRE I.

NAISSANCE DE MANGOGUL.

Hiaouf Zélès Tanzaï régnait depuis longtemps dans la grande Chéchianée;
et ce prince voluptueux continuait d'en faire les délices. Acajou, roi
de Minutie, avait eu le sort prédit par son père. Zulmis avait vécu. Le
comte de... vivait encore. Splendide, Angola, Misapouf, et quelques
autres potentats des Indes et de l'Asie étaient morts subitement. Les
peuples, las d'obéir à des souverains imbéciles, avaient secoué le joug
de leur postérité; et les descendants de ces monarques malheureux
erraient inconnus et presque ignorés dans les provinces de leurs
empires. Le petit-fils de l'illustre Schéerazade s'était seul affermi
sur le trône; et il était obéi dans le Mogol sous le nom de
Schachbaam(10), lorsque Mangogul naquit dans le Congo. Le trépas de
plusieurs souverains fut, comme on voit, l'époque funeste de sa
naissance.

(10: Tous les noms qui précèdent celui de Mangogul sont pris
dans les romans du temps et dans les Mille et une Nuits, ainsi que la
géographie fantaisiste qui les encadre. Le comte de ***, qui vivait
encore, est celui des Confessions du Comte de ***, par
Duclos.-D'après Crébillon fils, Hiaouf Zélès Tanzaï veut dire, en
langue chéchianienne, rival du soleil.)

Erguebzed son père n'appela point les fées autour du berceau de son
fils, parce qu'il avait remarqué que la plupart des princes de son
temps, dont ces intelligences femelles avaient fait l'éducation,
n'avaient été que des sots. Il se contenta de commander son horoscope à
un certain Codindo, personnage meilleur à peindre qu'à connaître.

Codindo était chef du collége des Aruspices de Banza, anciennement la
capitale de l'empire. Erguebzed lui faisait une grosse pension, et lui
avait accordé, à lui et à ses descendants, en faveur du mérite de leur
grand-oncle, qui était excellent cuisinier, un château magnifique sur
les frontières du Congo. Codindo était chargé d'observer le vol des
oiseaux et l'état du ciel, et d'en faire son rapport à la cour; ce dont
il s'acquittait assez mal. S'il est vrai qu'on avait à Banza les
meilleures pièces de théâtre et les salles de spectacles les plus laides
qu'il y eût dans toute l'Afrique, en revanche, on y avait le plus beau
collége du monde, et les plus mauvaises prédictions.

Codindo, informé de ce qu'on lui voulait au palais d'Erguebzed, partit
fort embarrassé de sa personne; car le pauvre homme ne savait non plus
lire aux astres que vous et moi: on l'attendait avec impatience. Les
principaux seigneurs de la cour s'étaient rendus dans l'appartement de
la grande sultane. Les femmes, parées magnifiquement, environnaient le
berceau de l'enfant. Les courtisans s'empressaient à féliciter Erguebzed
sur les grandes choses qu'il allait sans doute apprendre de son fils.
Erguebzed était père, et il trouvait tout naturel qu'on distinguât dans
les traits informes d'un enfant ce qu'il serait un jour. Enfin Codindo
arriva. «Approchez, lui dit Erguebzed: lorsque le ciel m'accorda le
prince que vous voyez, je fis prendre avec soin l'instant de sa
naissance, et l'on a dû vous en instruire. Parlez sincèrement à votre
maître, et annoncez-lui hardiment les destinées que le ciel réserve à
son fils.

-Très-magnanime sultan, répondit Codindo, le prince né de parents non
moins illustres qu'heureux, ne peut en avoir que de grandes et de
fortunées: mais j'en imposerais à Votre Hautesse, si je me parais devant
elle d'une science que je n'ai point. Les astres se lèvent et se
couchent pour moi comme pour les autres hommes; et je n'en suis pas plus
éclairé sur l'avenir, que le plus ignorant de vos sujets.

-Mais, reprit le sultan, n'êtes-vous pas astrologue?

-Magnanime prince, répondit Codindo, je n'ai point cet honneur.

-Eh! que diable êtes-vous donc? lui répliqua le vieux mais bouillant
Erguebzed.

-Aruspice!

-Oh! parbleu, je n'imaginais pas que vous en eussiez eu la pensée.
Croyez-moi, seigneur Codindo, laissez manger en repos vos poulets, et
prononcez sur le sort de mon fils, comme vous fîtes dernièrement sur le
rhume de la perruche de ma femme.»

A l'instant Codindo tira de sa poche une loupe, prit l'oreille gauche de
l'enfant, frotta ses yeux, tourna et retourna ses besicles, lorgna cette
oreille, en fit autant du côté droit, et prononça: que le règne du jeune
prince serait heureux s'il était long(11).

(11: L'enfance de Louis XV fut maladive.)

«Je vous entends, reprit Erguebzed: mon fils exécutera les plus belles
choses du monde, s'il en a le temps. Mais, morbleu, ce que je veux qu'on
me dise, c'est s'il en aura le temps. Que m'importe à moi, lorsqu'il
sera mort, qu'il eût été le plus grand prince du monde s'il eût vécu? Je
vous appelle pour avoir l'horoscope de mon fils, et vous me faites son
oraison funèbre.»

Codindo répondit au prince qu'il était fâché de n'en pas savoir
davantage; mais qu'il suppliait Sa Hautesse de considérer que c'en était
bien assez pour le peu de temps qu'il était devin. En effet, le moment
d'auparavant qu'était Codindo?



Revenir en haut Aller en bas
 
Denis Diderot. (1713-1784) NAISSANCE DE MANGOGUL.
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE II. ÉDUCATION DE MANGOGUL.
» Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE XVI(37). VISION DE MANGOGUL.
» Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE V. DANGEREUSE TENTATION DE MANGOGUL.
» Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE XXV. ÉCHANTILLON DE LA MORALE DE MANGOGUL.
» Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE XXXIIVCHAPITRE XXXIV. MANGOGUL AVAIT-IL RAISON?

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: