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 Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE II. ÉDUCATION DE MANGOGUL.

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MessageSujet: Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE II. ÉDUCATION DE MANGOGUL.   Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE II.  ÉDUCATION DE MANGOGUL. Icon_minitimeLun 3 Sep - 10:35

CHAPITRE II.

ÉDUCATION DE MANGOGUL.


Je passerai légèrement sur les premières années de Mangogul. L'enfance
des princes est la même que celle des autres hommes, à cela près qu'il
est donné aux princes de dire une infinité de jolies choses avant que de
savoir parler. Aussi le fils d'Erguebzed avait à peine quatre ans, qu'il
avait fourni la matière d'un Mangogulana. Erguebzed qui était homme de
sens, et qui ne voulait pas que l'éducation de son fils fût aussi
négligée que la sienne l'avait été, appela de bonne heure auprès de lui,
et retint à sa cour, par des pensions considérables, ce qu'il y avait de
grands hommes en tout genre dans le Congo; peintres, philosophes,
poëtes, musiciens, architectes, maîtres de danse, de mathématiques,
d'histoire, maîtres en fait d'armes, etc. Grâce aux heureuses
dispositions de Mangogul, et aux leçons continuelles de ses maîtres, il
n'ignora rien de ce qu'un jeune prince a coutume d'apprendre dans les
quinze premières années de sa vie, et sut, à l'âge de vingt ans, boire,
manger et dormir aussi parfaitement qu'aucun potentat de son âge.

Erguebzed, à qui le poids des années commençait à faire sentir celui de
la couronne, las de tenir les rênes de l'empire, effrayé des troubles
qui le menaçaient, plein de confiance dans les qualités supérieures de
Mangogul, et pressé par des sentiments de religion, pronostics certains
de la mort prochaine, ou de l'imbécillité des grands, descendit du trône
pour y placer son fils; et ce bon prince crut devoir expier dans la
retraite les crimes de l'administration la plus juste dont il fût
mémoire dans les annales du Congo.

Ce fut donc l'an du monde 1,500,000,003,200,001, de l'empire du Congo le
3,900,000,700,03, que commença le règne de Mangogul, le 1,234,500 de sa
race en ligne directe. Des conférences fréquentes avec ses ministres,
des guerres à soutenir, et le maniement des affaires, l'instruisirent en
fort peu de temps de ce qui lui restait à savoir au sortir des mains de
ses pédagogues; et c'était quelque chose.

Cependant Mangogul acquit en moins de dix années la réputation de grand
homme. Il gagna des batailles, força des villes, agrandit son empire,
pacifia ses provinces, répara le désordre de ses finances, fit refleurir
les sciences et les arts, éleva des édifices, s'immortalisa par d'utiles
établissements, raffermit et corrigea la législation, institua même des
académies; et, ce que son université ne put jamais comprendre, il acheva
tout cela sans savoir un seul mot de latin.

Mangogul ne fut pas moins aimable dans son sérail que grand sur le
trône. Il ne s'avisa point de régler sa conduite sur les usages
ridicules de son pays. Il brisa les portes du palais habité par ses
femmes; il en chassa ces gardes injurieux de leur vertu; il s'en fia
prudemment à elles-mêmes de leur fidélité: on entrait aussi librement
dans leurs appartements que dans aucun couvent de chanoinesses de
Flandres; et on y était sans doute aussi sage. Le bon sultan que ce fut!
il n'eut jamais de pareil que dans quelques romans français. Il était
doux, affable, enjoué, galant, d'une figure charmante, aimant les
plaisirs, fait pour eux, et renfermait dans sa tête plus d'esprit qu'il
n'y en avait eu dans celle de tous ses prédécesseurs ensemble.

On juge bien qu'avec un si rare mérite, beaucoup de femmes aspirèrent à
sa conquête: quelques-unes réussirent. Celles qui manquèrent son
coeur, tâchèrent de s'en consoler avec les grands de sa cour. La jeune
Mirzoza fut du nombre des premières(12). Je ne m'amuserai point à
détailler les qualités et les charmes de Mirzoza; l'ouvrage serait sans
fin, et je veux que cette histoire en ait une.

(12: Mme de Pompadour (Mme Lenormand d'Étioles) avait mis
une certaine persistance à courir après le mouchoir. Suivant les
chasses, se faisant remarquer par son assiduité à toutes les fêtes et
par sa coquetterie, sa faveur était plutôt le résultat de son habileté
que celui d'un penchant irrésistible de la part du roi.)



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Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE II. ÉDUCATION DE MANGOGUL.
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