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 Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE X, MOINS SAVANT ET MOINS ENNUYEUX QUE LE PRÉCÉDENT. SUITE DE LA SÉANCE ACADÉMIQUE.

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Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE X,  MOINS SAVANT ET MOINS ENNUYEUX QUE LE PRÉCÉDENT.  SUITE DE LA SÉANCE ACADÉMIQUE. Empty
MessageSujet: Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE X, MOINS SAVANT ET MOINS ENNUYEUX QUE LE PRÉCÉDENT. SUITE DE LA SÉANCE ACADÉMIQUE.   Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE X,  MOINS SAVANT ET MOINS ENNUYEUX QUE LE PRÉCÉDENT.  SUITE DE LA SÉANCE ACADÉMIQUE. Icon_minitimeLun 3 Sep - 10:43

CHAPITRE X,

MOINS SAVANT ET MOINS ENNUYEUX QUE LE PRÉCÉDENT.

SUITE DE LA SÉANCE ACADÉMIQUE.


Il parut, aux difficultés qu'on proposa à Orcotome, en attendant ses
expériences, qu'on trouvait ses idées moins solides qu'ingénieuses. «Si
les bijoux ont la faculté naturelle de parler, pourquoi, lui dit-on,
ont-ils tant attendu pour en faire usage? S'il était de la bonté de
Brama, à qui il a plu d'inspirer aux femmes un si violent désir de
parler, de doubler en elles les organes de la parole, il est bien
étrange qu'elles aient ignoré ou négligé si longtemps ce don précieux de
la nature. Pourquoi le même bijou n'a-t-il parlé qu'une fois? pourquoi
n'ont-ils parlé tous que sur la même matière? Par quel mécanisme se
fait-il qu'une des bouches se tait forcément, tandis que l'autre parle?
D'ailleurs, ajoutait-on, à juger du caquet des bijoux par les
circonstances dans lesquelles la plupart d'entre eux ont parlé, et par
les choses qu'ils ont dites, il y a tout lieu de croire qu'il est
involontaire, et que ces parties auraient continué d'être muettes, s'il
eût été dans la puissance de celles qui les portaient de leur imposer
silence.»

Orcotome se mit en devoir de satisfaire à ces objections, et soutint que
les bijoux ont parlé de tout temps; mais si bas, que ce qu'ils disaient
était quelquefois à peine entendu, même de celles à qui ils
appartenaient; qu'il n'est pas étonnant qu'ils aient haussé le ton de
nos jours, qu'on a poussé la liberté de la conversation au point qu'on
peut, sans impudence et sans indiscrétion, s'entretenir des choses qui
leur sont le plus familières; que, s'ils n'ont parlé haut qu'une fois,
il ne faut pas en conclure que cette fois sera la seule; qu'il y a bien
de la différence entre être muet et garder le silence; que, s'ils n'ont
tous parlé que de la même matière, c'est qu'apparemment c'est la seule
dont ils aient des idées; que ceux qui n'ont point encore parlé
parleront; que s'ils se taisent, c'est qu'ils n'ont rien à dire, ou
qu'ils sont mal conformés, ou qu'ils manquent d'idées ou de termes.

«En un mot, continua-t-il, prétendre qu'il était de la bonté de Brama
d'accorder aux femmes le moyen de satisfaire le désir violent qu'elles
ont de parler, en multipliant en elles les organes de la parole, c'est
convenir que, si ce bienfait entraînait à sa suite des inconvénients, il
était de sa sagesse de les prévenir; et c'est ce qu'il a fait, en
contraignant une des bouches à garder le silence, tandis que l'autre
parle. Il n'est déjà que trop incommode pour nous que les femmes
changent d'avis d'un instant à l'autre: qu'eût-ce donc été, si Brama
leur eût laissé la facilité d'être de deux sentiments contradictoires en
même temps? D'ailleurs, il n'a été donné de parler que pour se faire
entendre: or, comment les femmes qui ont bien de la peine à s'entendre
avec une seule bouche, se seraient-elles entendues en parlant avec
deux?»

Orcotome venait de répondre à beaucoup de choses; mais il croyait avoir
satisfait à tout; il se trompait. On le pressa, et il était prêt à
succomber, lorsque le physicien Cimonaze le secourut. Alors la dispute
devint tumultueuse: on s'écarta de la question, on se perdit, on revint,
on se perdit encore, on s'aigrit, on cria, on passa des cris aux
injures, et la séance académique finit.

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