ELEGIES ALBERTINE
à Madame Héloïse Saudeur, de Douai
tu sais qu' elle était sainte et mourut sans remord !
Moi, je ne suis que femme et j' ai peur de la mort.
J' ai peur de voir tomber les voiles de mon âme ;
retenue à la terre avec des noeuds de flamme,
j' ai peur qu' elle s' en aille à la porte des cieux
pleurer longtemps, et nue, et devant bien des yeux !
C' est mon rêve, ma croix triste et lourde de larmes,
le fantôme assidu qui refait les alarmes,
les soupirs, les frissons de mes nuits sans sommeil,
et qui me rend si pâle au retour du soleil !
Mais, Albertine ! ô chère ! ô pure ! ô sainte
femme !
Chaque pleur de mes yeux me rappelle son nom.
Quand ils ont déchiré les voiles de son âme,
sais-tu son cri vers Dieu ? " je meurs bien tard...
pardon ! "
cette âme où ne tremblait ni repentir, ni larme,
aimait ! Aimait ! Et puis, comme si quelque charme
mis entre elle et le monde eût isolé ses pas,
elle errait dans la foule et ne s' y mêlait pas.