IDYL. LA FONTAINE
Et moi je n' aime plus la fontaine d' eau vive,
Dont la molle fraîcheur m' attirait vers le soir ;
Et, comme l' autre été, dormeuse, sur sa rive
Je ne vais plus m' asseoir.
Dans les saules émus passe-t-elle affaiblie ?
Je fuis vers le sentier qui ramène au hameau,
Sans oser regarder si du plus jeune ormeau
Elle baigne l' écorce et le nom que j' oublie !
Que son cristal mouvant épure les zéphyrs,
Que la fleur soit contente en s' y voyant éclore,
Qu' un front riant s' admire en son eau qu' il colore,
L' eau ne roulera plus au bruit de mes soupirs.
Je l' aimais l' autre été, j' aimais tout ! Simple et tendre,
Je croyais tout sincère à l' égal de mon coeur :
Eh bien ! Comme une voix que j' y venais entendre,
À présent tout me semble infidèle et moqueur.
Cette murmurante fontaine,
Appelant un secret qu' elle ne comprend pas,
Semblait me demander ma peine,
Et son charme égarait mes pas.
Elle est douce à l' oreille : oh ! C' est qu' elle est flatteuse.
Une image nouvelle y glisse tous les jours.
Elle parle... elle est libre... hélas ! Elle est heureuse ;
Mais libre, elle est ingrate et s' échappe toujours.
Et moi je n' aime plus la fontaine d' eau vive,
Dont la molle fraîcheur m' attirait vers le soir,
Et, comme l' autre été, rêveuse, sur sa rive
Je ne vais plus m' asseoir.