ELEGIES LA DOULEUR
Sombre douleur, dégoût du monde,
Fruit amer de l' adversité,
Où l' âme anéantie, en sa chute profonde,
Rêve à peine à l' éternité,
Soulève ton poids qui m' opprime,
Dieu l' ordonne ; un moment laisse-moi respirer.
Ah ! Si le désespoir à ses yeux est un crime,
Laisse-moi donc la force d' espérer !
Si dès mes jeunes ans j' ai repoussé la vie,
Si la mélancolie enveloppa mes jours,
Si l' amitié, si les amours,
M' ont attristée autant qu' ils m' avaient asservie,
Si déjà mon printemps n' est qu' un froid souvenir,
Si la mort a soufflé sur une jeune flamme
Qui vient, en s' éteignant, d' éteindre aussi mon âme,
Laisse-moi vivre au moins dans un autre avenir !
Laisse-moi respirer, désespoir d' une mère !
Dieu l' ordonne, Dieu parle à mon coeur éperdu.
" Suis mon arrêt, dit-il, reste encor sur la terre. "
S' il ne venait de Dieu, serait-il entendu ?
Mais, vers l' éternité quand cette âme brûlante
S' envolera, baignée encor de pleurs,
Délivrée à jamais d' une chaîne accablante,
Je reverrai mon fils : quel prix de mes douleurs !
Ô dieu ! Quand de mon fils sonna l' heure suprême,
Un doute affreux ne m' a pas fait frémir :
Non ! Cet être charmant, au sein de la mort même
N' a fait que s' endormir.