ELEGIES LA FLEUR DU SOL NATAL
À Monsieur Duthilloeul
Ô fleur du sol natal ! ô verdure sauvage !
Par quelle main cachée arrives-tu vers moi ?
Ô mon pays ! Quelle âme aimante, à ton rivage,
A compris qu' une fleur me parlerait de toi ?
Quel charme m' environne, et quel dieu rompt ma chaîne ?
La vie est libre encor... je lui pardonne tout !
Sol natal ! Sol natal ! Dans ta suave haleine,
Dans tes parfums, la vie a comme un autre goût.
Voilà le souvenir au pénétrant silence ;
Sans philtre, sans breuvage, il endort la douleur :
Sur mes jours fatigués son aile se balance ;
C' est une halte du malheur.
Le voilà ce beau lac dont l' eau n' est point amère ;
Ma nacelle dormeuse y flotte seule en paix !
Le voilà le doux chaume où m' enfanta ma mère,
Où, cachée au malheur, je ne pleurai jamais !
Cette jeune Albertine, à nos foyers restée,
Ce lilas embaumé que je croyais perdu,
Ô fleur, sauvage fleur de ma rive enchantée,
Transfuge de nos bois, tu m' as donc tout rendu !